Risque cardiovasculaire des AINS: nouveau scandale à l'horizon avec le diclofénac?
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Risque cardiovasculaire des AINS: nouveau scandale à l'horizon avec le diclofénac?
Auteur : Pascale Solère
4 mars 2013
Londres, Royaume-Uni et Toronto, Canada — En 2011, Patricia McGettigan (William Harvey Institute, Londres) et David Henry (université de Toronto) avaient publié une revue des études observationnelles sur le risque cardiovasculaire lié aux AINS [1]. Ces deux auteurs éditent maintenant les résultats d'une enquête destinée à évaluer les ventes et prescriptions d'AINS dans des pays aux PIB variés [2]. En l'occurrence l'Angleterre, le Canada, plus 13 pays d'Asie - Australie, Bangladesh, Chine, Hong Kong, Indonésie, Malaisie, Nouvelle Zélande, Pakistan, Philippines, Singapour, Taïwan, Thaïlande et Vietnam.
« Nos résultats montrent que le diclofénac, inscrit dans la liste des médicaments essentiels (EMLs) nationaux de 74 pays sur 86, est de loin l'AINS le plus utilisé ».
D'où le cri d'alerte des auteurs : « La liste des médicaments essentiels (EMLs) devrait prendre en compte le risque cardiovasculaire et donner la préférence aux médicaments les moins à risque. Et le diclofénac ayant un profil de risque cardiovasculaire très proche de celui rofecoxib (Vioxx®), retiré du marché mondial pour toxicité cardiaque, le diclofénac devrait être exclu de la liste des médicaments essentiels (EMLs) » selon P McGettigan et D Henry.
AINS et risque cardiovasculaire: quel impact en santé publique ?
Au-delà du risque hémorragique gastro-intestinal bien connu, les AINS exposent à un risque cardiovasculaire documenté depuis les années 2006. Ceci à la fois dans des études de cohorte observationnelles et des méta-analyses d'essais randomisés [1, 3, 4] dont les résultats convergent même si la preuve causale stricto sensu reste délicate. Ce risque cardiovasculaire semble, en outre, particulièrement élevé pour le diclofénac, l'un des AINS les plus utilisés. Quand, a contrario, le naproxène (Apranax®) aurait le risque cardiovasculaire le plus faible.
Or, cette enquête portant sur 13 pays d'Asie plus Canada et Angleterre montre que :
1. diclofénac (Voltarene® etc..) et étoricoxib (Arcoxia®, non agréé aux Etats-Unis) représentent un tiers du marché ;
2. cette proportion ne varie pas avec le PIB ;
3. le diclofénac est de loin le plus prescrit; autant que les 3 autres AINS les plus populaires réunis (ibuprofène, naproxène, acide méfénamique) ;
4. le naproxène - supposé être le moins cardiotoxique, listé dans seulement 27/86 EMLs - ne représente que 10% du marché.
« Le risque cardiovasculaire du diclofénac est connu depuis plus de 5 ans. Et malgré un léger déclin des prescriptions en Angleterre, Australie et au Canada depuis 2006, il reste l'un des AINS les plus populaires dans ces trois pays et toujours le plus prescrit en Angleterre » expliquent les auteurs. « Et aujourd'hui, ce travail montre pour la première fois que le diclofénac a aussi une position dominante dans les pays à PIB intermédiaire ou bas. Quand les maladies cardiaques croissent dans ces pays. Ce qui pose question en terme de santé publique » commentent-ils.
« En Chine, le diclofénac est le plus utilisé des AINS à hôpital. Or le traitement par diclofénac de seulement 1% de la population chinoise - 1,3 milliard - peut engendrer 14 000 décès cardiaques potentiellement évitables » estiment les auteurs.
AINS chez les cardiaques: attention danger, explique le Pr Gabriel Steg
« Prendre des AINS au long cours est mauvais pour le rein, les vaisseaux et le cœur. Il faut être conscient de ce risque, largement méconnu des médecins qu'ils soient cardiologues, rhumatologues ou MG. Et en pratique être extraordinairement parcimonieux sur l'utilisation des AINS chez les cardiaques en général, en particulier dans la durée (traitements au long cours) », résume le Pr Gabriel Steg(Hôpital Bichat, Paris).
« En revanche il n'est pas si sûr, comme le défend ce papier, qu'il y ait une véritable différence de risque cardiovasculaire d'une molécule à l'autre. Il s'agit probablement plus d'un effet classe même si le naproxène, doué d'une certaine activité antiagrégante, pourrait avoir un moindre risque cardiovasculaire » ajoute-t-il.
« Pour autant, toutes les données sont convergentes. Il n'y a pas de séries observationnelles, y comprisREACH, où l'on ait trouvé un effet neutre des AINS sur la toxicité cardiovasculaire possiblement médiée par la toxicité rénale ». La relation causale reste délicate à démontrer. Dans les études versus placebo chez les arthrosiques les évènements cardiovasculaires sont peu nombreux. « Néanmoins, le fait que l'association entre AINS et risque cardiovasculaire soit quantitative (effet dose) et réversible à l'arrêt [4] plaide pour une association causale dont le/les mécanismes restent très discutés » commente G Steg.
« Un second point très important chez les cardiaques est l'interaction entre AINS et traitements. L'indométacine interagit avec l'aspirine. Et surtout les AINS majorent la toxicité rénale des IEC et ARA II avec un impact cardiaque sûrement très mésestimé en clinique » ajoute G Steg.
Conclusion : « en pratique clinique nous devrions alerter nos patients cardiaques sur le risque cardiovasculaire des AINS. Eviter au maximum la prescription et préférer le paracétamol. Ecarter a priori de la prescription le diclofénac potentiellement le plus à risque cardiovasculaire mais aussi l'ibuprofène vu l'interaction avec l'aspirine. Privilégier possiblement le naproxène vu son activité antiagrégante. Et peut-être ajouter 75 mg/j d'aspirine lors d'un traitement par AINS autre que le naproxène chez un cardiaque » suggère G Steg.
Le diclofénac sur la sellette en Europe
L'agence européenne (EMA) est en train de réévaluer les risques liés au diclofénac dans un PRAC (Pharmacovigilance Risk Assement), nouveau comité dédié à la pharmacovigilance créé en juillet dernier.
Les experts du CHMP ont en effet estimé que les études publiées mettaient régulièrement en évidence un léger sur-risque cardiovasculaire du diclofénac par rapport aux autres AINS, avec un sur-risque similaire à celui des anti-COX-2 (EMA, 31 novembre 2012). Le PRAC rendra ses conclusions en avril prochain.
Le Pr Steg a déclaré :
- Recherche clinique (pourINSERM U698): NYU School of Medicine, Sanofi, Servier
- Orateur, consultant : Amarin, AstraZeneca, Bayer, Boehringer- Ingelheim, Bristol-Myers-Squibb, Daiichi-Sankyo, GSK, Lilly, Medtronic, Otsuka, Pfizer, Roche, sanofi, Servier, Takeda, The Medicines Company, Vivus
- Stockholding: Aterovax
4 mars 2013
Londres, Royaume-Uni et Toronto, Canada — En 2011, Patricia McGettigan (William Harvey Institute, Londres) et David Henry (université de Toronto) avaient publié une revue des études observationnelles sur le risque cardiovasculaire lié aux AINS [1]. Ces deux auteurs éditent maintenant les résultats d'une enquête destinée à évaluer les ventes et prescriptions d'AINS dans des pays aux PIB variés [2]. En l'occurrence l'Angleterre, le Canada, plus 13 pays d'Asie - Australie, Bangladesh, Chine, Hong Kong, Indonésie, Malaisie, Nouvelle Zélande, Pakistan, Philippines, Singapour, Taïwan, Thaïlande et Vietnam.
« Nos résultats montrent que le diclofénac, inscrit dans la liste des médicaments essentiels (EMLs) nationaux de 74 pays sur 86, est de loin l'AINS le plus utilisé ».
D'où le cri d'alerte des auteurs : « La liste des médicaments essentiels (EMLs) devrait prendre en compte le risque cardiovasculaire et donner la préférence aux médicaments les moins à risque. Et le diclofénac ayant un profil de risque cardiovasculaire très proche de celui rofecoxib (Vioxx®), retiré du marché mondial pour toxicité cardiaque, le diclofénac devrait être exclu de la liste des médicaments essentiels (EMLs) » selon P McGettigan et D Henry.
AINS et risque cardiovasculaire: quel impact en santé publique ?
Au-delà du risque hémorragique gastro-intestinal bien connu, les AINS exposent à un risque cardiovasculaire documenté depuis les années 2006. Ceci à la fois dans des études de cohorte observationnelles et des méta-analyses d'essais randomisés [1, 3, 4] dont les résultats convergent même si la preuve causale stricto sensu reste délicate. Ce risque cardiovasculaire semble, en outre, particulièrement élevé pour le diclofénac, l'un des AINS les plus utilisés. Quand, a contrario, le naproxène (Apranax®) aurait le risque cardiovasculaire le plus faible.
Or, cette enquête portant sur 13 pays d'Asie plus Canada et Angleterre montre que :
1. diclofénac (Voltarene® etc..) et étoricoxib (Arcoxia®, non agréé aux Etats-Unis) représentent un tiers du marché ;
2. cette proportion ne varie pas avec le PIB ;
3. le diclofénac est de loin le plus prescrit; autant que les 3 autres AINS les plus populaires réunis (ibuprofène, naproxène, acide méfénamique) ;
4. le naproxène - supposé être le moins cardiotoxique, listé dans seulement 27/86 EMLs - ne représente que 10% du marché.
« Le risque cardiovasculaire du diclofénac est connu depuis plus de 5 ans. Et malgré un léger déclin des prescriptions en Angleterre, Australie et au Canada depuis 2006, il reste l'un des AINS les plus populaires dans ces trois pays et toujours le plus prescrit en Angleterre » expliquent les auteurs. « Et aujourd'hui, ce travail montre pour la première fois que le diclofénac a aussi une position dominante dans les pays à PIB intermédiaire ou bas. Quand les maladies cardiaques croissent dans ces pays. Ce qui pose question en terme de santé publique » commentent-ils.
« En Chine, le diclofénac est le plus utilisé des AINS à hôpital. Or le traitement par diclofénac de seulement 1% de la population chinoise - 1,3 milliard - peut engendrer 14 000 décès cardiaques potentiellement évitables » estiment les auteurs.
AINS chez les cardiaques: attention danger, explique le Pr Gabriel Steg
« Prendre des AINS au long cours est mauvais pour le rein, les vaisseaux et le cœur. Il faut être conscient de ce risque, largement méconnu des médecins qu'ils soient cardiologues, rhumatologues ou MG. Et en pratique être extraordinairement parcimonieux sur l'utilisation des AINS chez les cardiaques en général, en particulier dans la durée (traitements au long cours) », résume le Pr Gabriel Steg(Hôpital Bichat, Paris).
« En revanche il n'est pas si sûr, comme le défend ce papier, qu'il y ait une véritable différence de risque cardiovasculaire d'une molécule à l'autre. Il s'agit probablement plus d'un effet classe même si le naproxène, doué d'une certaine activité antiagrégante, pourrait avoir un moindre risque cardiovasculaire » ajoute-t-il.
« Pour autant, toutes les données sont convergentes. Il n'y a pas de séries observationnelles, y comprisREACH, où l'on ait trouvé un effet neutre des AINS sur la toxicité cardiovasculaire possiblement médiée par la toxicité rénale ». La relation causale reste délicate à démontrer. Dans les études versus placebo chez les arthrosiques les évènements cardiovasculaires sont peu nombreux. « Néanmoins, le fait que l'association entre AINS et risque cardiovasculaire soit quantitative (effet dose) et réversible à l'arrêt [4] plaide pour une association causale dont le/les mécanismes restent très discutés » commente G Steg.
« Un second point très important chez les cardiaques est l'interaction entre AINS et traitements. L'indométacine interagit avec l'aspirine. Et surtout les AINS majorent la toxicité rénale des IEC et ARA II avec un impact cardiaque sûrement très mésestimé en clinique » ajoute G Steg.
Conclusion : « en pratique clinique nous devrions alerter nos patients cardiaques sur le risque cardiovasculaire des AINS. Eviter au maximum la prescription et préférer le paracétamol. Ecarter a priori de la prescription le diclofénac potentiellement le plus à risque cardiovasculaire mais aussi l'ibuprofène vu l'interaction avec l'aspirine. Privilégier possiblement le naproxène vu son activité antiagrégante. Et peut-être ajouter 75 mg/j d'aspirine lors d'un traitement par AINS autre que le naproxène chez un cardiaque » suggère G Steg.
Le diclofénac sur la sellette en Europe
L'agence européenne (EMA) est en train de réévaluer les risques liés au diclofénac dans un PRAC (Pharmacovigilance Risk Assement), nouveau comité dédié à la pharmacovigilance créé en juillet dernier.
Les experts du CHMP ont en effet estimé que les études publiées mettaient régulièrement en évidence un léger sur-risque cardiovasculaire du diclofénac par rapport aux autres AINS, avec un sur-risque similaire à celui des anti-COX-2 (EMA, 31 novembre 2012). Le PRAC rendra ses conclusions en avril prochain.
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Re: Risque cardiovasculaire des AINS: nouveau scandale à l'horizon avec le diclofénac?
Merci pour le partage .
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