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Le ballet des chromosomes

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Post by wafa Wed 31 Mar - 22:02

Le ballet des chromosomes
Le ballet des chromosomes 15833910


Les chromosomes ne sont pas aussi stables que les brins d'ADN qui les composent, mais leurs transformations affectent assez rarement les gènes eux-mêmes, explique le biologiste Alan Anderson.


Jean-François Cliche Le Soleil


«Le nombre de chromosomes pour chaque espèce est très variable (drosofile : 8, seigle : 14, patate : 48, chien : 78, humain : 46, chimpanzé : 48), et je suis toujours un peu confus lorsqu'on parle d'une très grande proximité génétique entre les espèces alors qu'il y a de fortes différences dans le nombre de chromosomes. Ça me paraît peu banal. Peut-être que ces "supports" génétiques sont en fait bien peu significatifs pour les experts en génétique. Qu'en est-il vraiment?» demande Yves Painchaud, de Québec.

Les gènes, comme on l'a déjà vu ici, sont de longues chaînes de molécules qui s'assemblent dans un ordre précis de manière à conserver l'information génétique - c'est-à-dire des «recettes» de protéines, essentiellement. Ces longues chaînes s'accrochent à leur tour les unes aux autres, bout à bout, et s'entortillent sur elles-mêmes pour former, ultimement, des chromosomes.

Mais si, comme le note notre lecteur, le nombre de chromosomes peut effectivement varier beaucoup d'une espèce à l'autre, même chez celles qui sont très apparentées, les généticiens ne considèrent pas pour autant ces structures comme «peu significatives», bien au contraire. «La question est fondamentale, parce qu'elle concerne l'origine des espèces», commente le professeur de génétique à l'Université Laval Alan Anderson. «[...] Cela intéresse beaucoup les biologistes, mais on n'a malheureusement pas vraiment de réponse définitive.»

Double hypothèse


Une école de pensée, dit-il, soutient que les variations dans le nombre de chromosomes sont une conséquence de l'évolution des espèces. Dans cette perspective, à mesure que deux populations d'une même espèce se différencieraient, leur matériel génétique se réorganiserait, et le nombre de chromosomes changerait.

Le hic, poursuit cependant M. Anderson, est que d'autres biologistes affirment exactement le contraire. Il ne s'agirait pas d'un effet, selon eux, mais plutôt d'une cause de l'évolution, parce que si une population voit, pour une raison ou pour une autre, ses gènes réorganisés en un nombre différent, il est bien possible qu'elle ait de la difficulté à se reproduire avec le reste de son espèce - et un tel isolement reproducteur est justement le genre de circonstance qui peut mener à l'apparition d'une nouvelle espèce.

Difficile de trancher entre ces deux hypothèses, dit notre généticien. Si cela se trouve, chacun recèle une part de vérité. Mais ce que l'on a observé jusqu'à maintenant a amené plus de questions que de réponses. Dans certains cas, en effet, le nombre de chromosomes paraît (faussement) être un bon indicateur de la parenté entre deux espèces - le chimpanzé, par exemple, est notre plus proche parent et possède 24 paires de chromosomes, contre 23 pour l'être humain. Mais d'autres cas viennent complètement chambouler ce semblant d'ordre. Un exemple célèbre est celui du cerf aboyeur (Muntiacus muntjak) et du muntjak de Reeves (Muntiacus reevesi), deux petits cervidés d'Asie. Malgré des liens de parenté que l'on sait très serrés, le premier n'a que trois paires de chromosomes (un record chez les mammifères), tandis que le second en a pas moins de 23!

Dans la même veine, une étude portant sur 24 espèces de gerbilles, une «sous-famille» des rongeurs, a montré que le nombre de chromosomes y varie entre 9 et 37 paires, selon l'espèce.

Bref, les chromosomes ne sont pas aussi stables que les brins d'ADN qui les composent. «Les changements dans les bases de l'ADN [les "maillons" de la chaîne, si l'on veut] sont de l'ordre de 1 sur 1 million, alors que c'est 1 sur 1000 pour les chromosomes», souligne M. Anderson. Il semble donc que la manière d'organiser les gènes puisse changer sans les empêcher de fonctionner normalement.

D'ailleurs, explique le biologiste, même s'il existe plusieurs types de changements possibles (fusion ou fractionnement de chromosomes, translocation et inversion de gènes...), ces transformations affectent assez rarement les gènes eux-mêmes, dit M. Anderson, car une grande partie de l'ADN ne «code» pas de protéine. Le début et la fin de la séquence «déménagée» tombent donc habituellement entre deux gènes, et les «recettes de protéines» demeurent alors intactes.

«Mais il peut quand même arriver que cela tombe au milieu d'une partie codante, poursuit le chercheur. C'est un phénomène bien connu, d'ailleurs, parce que cela peut jouer un rôle dans la genèse de cancers, mais on ne connaît pas de cas où cela aurait fait évoluer une espèce.»
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