Un clip sur la mitrale
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Un clip sur la mitrale
Un clip sur la mitrale ?
Publié le 18/04/2011
Les fuites mitrales sont des « anomalies » extrêmement fréquentes puisque jusqu’à 80 % de la population présentent une régurgitation minime à l’échocardiographie. En clinique, les insuffisances mitrales (IM) modérées à sévères nécessitent une prise en charge spécifique. L’IM retentit en effet à la fois sur le ventricule gauche (dilatation et parfois dysfonction) et l’oreillette gauche (dilatation favorisant la fibrillation atriale et l’hypertension artérielle pulmonaire). Pour améliorer l’hémodynamique intracardiaque et diminuer l’importance de la régurgitation on a recours au traitement médical. Celui-ci est plus souvent efficace dans les IM fonctionnelles (cardiomyopathie ischémique ou non) que dans les IM primitives. Mais lorsque l’IM est symptomatique (ou qu’elle est la cause d’une dysfonction ventriculaire) et que la régurgitation est modérée à sévère (grade 3+ ou 4+), les sociétés savantes nationales et internationales de cardiologie recommandent le recours à la chirurgie. Celle-ci repose sur le remplacement valvulaire ou, lorsque cela est techniquement possible, sur la réparation valvulaire.
Un clip pour pincer les deux feuillets de la mitrale
A côté de ces méthodes chirurgicales, efficaces mais invasives et grevées d’une morbimortalité non négligeable, il était intéressant de développer un dispositif pouvant être mis en place par cathétérisme transcutané permettant de réduire la régurgitation mitrale. Un tel dispositif, le MitraClip a été mis au point par Abbott Vascular et testé avec succès dans des essais préliminaires par des équipes américaines. Schématiquement le principe du MitraClip est proche de celui d’une des techniques de réparation chirurgicale mitrale. Celle-ci consiste à rapprocher les deux feuillets de la valvule mitrale par des points afin de créer deux hémi-orifices et de réduire ainsi la fuite.
Le MitraClip est une pince de 4 mm en cobalt chrome. Il est inséré par un cathétérisme veineux rétrograde jusqu’à l’oreillette droite. Il est alors poussé dans l’oreillette gauche à travers le septum inter-auriculaire, puis introduit dans le ventricule gauche à travers la mitrale (au niveau de l’origine du flux de régurgitation). Le clip est alors ouvert et lors du retrait de la sonde vers l’oreillette gauche, les deux feuillets de la mitrale sont pincés par le MitraClip qui est alors fermé et laissé en place (voir le « clip » vidéo). Si une échocardiographie « per-interventionnelle » ne met pas en évidence une réduction suffisante de la fuite, le clip peut être changé ou un deuxième dispositif peut être mis en place.
A un an, de moins bons résultats sur la régurgitation…
Après des résultats considérés comme satisfaisants sur 107 patients avec le MitraClip, Ted Feldman et coll. ont entrepris un essai randomisé conduit dans 37 centres aux Etats-Unis et au Canada, l’étude EVEREST II (pour Endovascular Valve Edge-to-Edge Repair Study) (1). Deux cent soixante-dix-neuf patients souffrant d’une IM de grade 3+ ou 4+ et candidats à une intervention chirurgicale sur la valve ont été randomisés selon un rapport 2/1 entre la chirurgie (remplacement valvulaire ou réparation) et la pose d’un MitraClip.
Le critère principal de jugement en termes d’efficacité était, à un an, la survie sans nécessité d’intervention chirurgicale pour dysfonction valvulaire et sans régurgitation de grade 3+ ou 4+ évaluée à l’échocardiographie.
Sur ce critère (en intention de traiter) la chirurgie s’est révélée supérieure au clip avec à un an 73 % de résultats favorables contre 55 % avec le traitement interventionnel (p=0,007). Plus précisément, si la mortalité a été identique à un an (6 %), la nécessité d’une reprise chirurgicale durant l’année a été 10 fois plus fréquente dans le groupe clip (20 % contre 2 %). Les 37 interventions chirurgicales sur les 184 patients du groupe clip étaient dues à la non mise en place du dispositif (n=17), à une régurgitation de grades 3+ ou 4+ avant la sortie de l’hôpital (n=5), à la pose du clip sur un seule feuillet (n=9), à une fuite de grade 3+ ou 4+ malgré un clip sur les deux feuillets (n=3) ou à des symptômes cliniques. On ne peut être totalement étonné de ce résultat globalement négatif puisqu’il paraissait a priori peu probable que la technique du clip qui laisse en place un double orifice mitral puisse aussi bien réduire une régurgitation qu’une plastie mitrale ou un remplacement valvulaire.
…mais une meilleure tolérance que la chirurgie
En revanche en termes de sécurité, le traitement interventionnel a été mieux toléré que la chirurgie avec 15 % d’effets secondaires majeurs dans les 30 jours contre 48 % dans le groupe chirurgie (p<0,001). Il faut toutefois noter que si les transfusions de plus de 2 unités de sang étaient exclues de la liste des effets secondaires majeurs, la sécurité des deux approches thérapeutiques était proche (5 % d’effets secondaires avec le clip et 10 % avec la chirurgie ; p=0,23).
Une analyse des résultats en fonction de certains sous groupes (non pré-spécifiés) a montré que les effets du clip paraissaient équivalents à ceux de la chirurgie chez les sujets ayant une IM fonctionnelle, les patients de plus de 70 ans et les malades ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 60 %.
Quelle sera la place du clip ?
A l’issue de cette première étude comparative d’envergure sur ce type de dispositif, il est bien difficile de conclure définitivement.
Si, globalement, pour des IM « tout-venant » (modérées à sévères), le clip est moins efficace que la chirurgie, cette technique sera peut-être intéressante dans des indications plus limitées. Il pourrait s’agir de patients à risque chirurgical élevé (notamment âgés de plus de 70 ans, ayant une dysfonction ventriculaire gauche, ou souffrant de co-morbidités) ou de malades ayant une IM fonctionnelle avec régurgitation de grades 3+ ou 4+ malgré un traitement médical bien conduit. Seuls de nouvelles études comparatives plus précises permettront d’infirmer ou de confirmer ces hypothèses.
On peut également envisager deux autres indications possibles du clip : les patients jugés inopérables et à l’inverse certains malades dont la régurgitation peut-être considérée comme « borderline ».
A moyen terme, l’imagination des cardiologues interventionnels étant sans limite, il est vraisemblable que de nouveaux dispositifs de « réparation » valvulaire seront développés et donc testés.
La stratégie du clinicien devrait donc se complexifier et évoluer d’une décision binaire relativement simple qui était la règle il y a quelques décennies (chirurgie ou médecine) au choix entre de multiples possibilités (traitement médical, stimulation bi-ventriculaire ou revascularisation myocardique dans certaines IM fonctionnelles, remplacement valvulaire [avec divers types de prothèses possibles], réparation chirurgicale [avec plusieurs techniques envisageables], réparation par voie percutanée [par clip ou par de nouveaux dispositifs]…). Le champ des possibles se diversifiant à l’extrême, les décisions ne pourront pas toujours se guider, pour un malade donné, sur les résultats d’études comparant deux à deux toutes les possibilités thérapeutiques et plus que jamais, le choix devra résulter de la confrontation des expériences des membres d’une équipe pluridisciplinaire regroupant clinicien, chirurgien, anesthésiste et cardiologues interventionnels (2).
Dr Anastasia Roublev
Voir le clip:
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Publié le 18/04/2011
Les fuites mitrales sont des « anomalies » extrêmement fréquentes puisque jusqu’à 80 % de la population présentent une régurgitation minime à l’échocardiographie. En clinique, les insuffisances mitrales (IM) modérées à sévères nécessitent une prise en charge spécifique. L’IM retentit en effet à la fois sur le ventricule gauche (dilatation et parfois dysfonction) et l’oreillette gauche (dilatation favorisant la fibrillation atriale et l’hypertension artérielle pulmonaire). Pour améliorer l’hémodynamique intracardiaque et diminuer l’importance de la régurgitation on a recours au traitement médical. Celui-ci est plus souvent efficace dans les IM fonctionnelles (cardiomyopathie ischémique ou non) que dans les IM primitives. Mais lorsque l’IM est symptomatique (ou qu’elle est la cause d’une dysfonction ventriculaire) et que la régurgitation est modérée à sévère (grade 3+ ou 4+), les sociétés savantes nationales et internationales de cardiologie recommandent le recours à la chirurgie. Celle-ci repose sur le remplacement valvulaire ou, lorsque cela est techniquement possible, sur la réparation valvulaire.
Un clip pour pincer les deux feuillets de la mitrale
A côté de ces méthodes chirurgicales, efficaces mais invasives et grevées d’une morbimortalité non négligeable, il était intéressant de développer un dispositif pouvant être mis en place par cathétérisme transcutané permettant de réduire la régurgitation mitrale. Un tel dispositif, le MitraClip a été mis au point par Abbott Vascular et testé avec succès dans des essais préliminaires par des équipes américaines. Schématiquement le principe du MitraClip est proche de celui d’une des techniques de réparation chirurgicale mitrale. Celle-ci consiste à rapprocher les deux feuillets de la valvule mitrale par des points afin de créer deux hémi-orifices et de réduire ainsi la fuite.
Le MitraClip est une pince de 4 mm en cobalt chrome. Il est inséré par un cathétérisme veineux rétrograde jusqu’à l’oreillette droite. Il est alors poussé dans l’oreillette gauche à travers le septum inter-auriculaire, puis introduit dans le ventricule gauche à travers la mitrale (au niveau de l’origine du flux de régurgitation). Le clip est alors ouvert et lors du retrait de la sonde vers l’oreillette gauche, les deux feuillets de la mitrale sont pincés par le MitraClip qui est alors fermé et laissé en place (voir le « clip » vidéo). Si une échocardiographie « per-interventionnelle » ne met pas en évidence une réduction suffisante de la fuite, le clip peut être changé ou un deuxième dispositif peut être mis en place.
A un an, de moins bons résultats sur la régurgitation…
Après des résultats considérés comme satisfaisants sur 107 patients avec le MitraClip, Ted Feldman et coll. ont entrepris un essai randomisé conduit dans 37 centres aux Etats-Unis et au Canada, l’étude EVEREST II (pour Endovascular Valve Edge-to-Edge Repair Study) (1). Deux cent soixante-dix-neuf patients souffrant d’une IM de grade 3+ ou 4+ et candidats à une intervention chirurgicale sur la valve ont été randomisés selon un rapport 2/1 entre la chirurgie (remplacement valvulaire ou réparation) et la pose d’un MitraClip.
Le critère principal de jugement en termes d’efficacité était, à un an, la survie sans nécessité d’intervention chirurgicale pour dysfonction valvulaire et sans régurgitation de grade 3+ ou 4+ évaluée à l’échocardiographie.
Sur ce critère (en intention de traiter) la chirurgie s’est révélée supérieure au clip avec à un an 73 % de résultats favorables contre 55 % avec le traitement interventionnel (p=0,007). Plus précisément, si la mortalité a été identique à un an (6 %), la nécessité d’une reprise chirurgicale durant l’année a été 10 fois plus fréquente dans le groupe clip (20 % contre 2 %). Les 37 interventions chirurgicales sur les 184 patients du groupe clip étaient dues à la non mise en place du dispositif (n=17), à une régurgitation de grades 3+ ou 4+ avant la sortie de l’hôpital (n=5), à la pose du clip sur un seule feuillet (n=9), à une fuite de grade 3+ ou 4+ malgré un clip sur les deux feuillets (n=3) ou à des symptômes cliniques. On ne peut être totalement étonné de ce résultat globalement négatif puisqu’il paraissait a priori peu probable que la technique du clip qui laisse en place un double orifice mitral puisse aussi bien réduire une régurgitation qu’une plastie mitrale ou un remplacement valvulaire.
…mais une meilleure tolérance que la chirurgie
En revanche en termes de sécurité, le traitement interventionnel a été mieux toléré que la chirurgie avec 15 % d’effets secondaires majeurs dans les 30 jours contre 48 % dans le groupe chirurgie (p<0,001). Il faut toutefois noter que si les transfusions de plus de 2 unités de sang étaient exclues de la liste des effets secondaires majeurs, la sécurité des deux approches thérapeutiques était proche (5 % d’effets secondaires avec le clip et 10 % avec la chirurgie ; p=0,23).
Une analyse des résultats en fonction de certains sous groupes (non pré-spécifiés) a montré que les effets du clip paraissaient équivalents à ceux de la chirurgie chez les sujets ayant une IM fonctionnelle, les patients de plus de 70 ans et les malades ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 60 %.
Quelle sera la place du clip ?
A l’issue de cette première étude comparative d’envergure sur ce type de dispositif, il est bien difficile de conclure définitivement.
Si, globalement, pour des IM « tout-venant » (modérées à sévères), le clip est moins efficace que la chirurgie, cette technique sera peut-être intéressante dans des indications plus limitées. Il pourrait s’agir de patients à risque chirurgical élevé (notamment âgés de plus de 70 ans, ayant une dysfonction ventriculaire gauche, ou souffrant de co-morbidités) ou de malades ayant une IM fonctionnelle avec régurgitation de grades 3+ ou 4+ malgré un traitement médical bien conduit. Seuls de nouvelles études comparatives plus précises permettront d’infirmer ou de confirmer ces hypothèses.
On peut également envisager deux autres indications possibles du clip : les patients jugés inopérables et à l’inverse certains malades dont la régurgitation peut-être considérée comme « borderline ».
A moyen terme, l’imagination des cardiologues interventionnels étant sans limite, il est vraisemblable que de nouveaux dispositifs de « réparation » valvulaire seront développés et donc testés.
La stratégie du clinicien devrait donc se complexifier et évoluer d’une décision binaire relativement simple qui était la règle il y a quelques décennies (chirurgie ou médecine) au choix entre de multiples possibilités (traitement médical, stimulation bi-ventriculaire ou revascularisation myocardique dans certaines IM fonctionnelles, remplacement valvulaire [avec divers types de prothèses possibles], réparation chirurgicale [avec plusieurs techniques envisageables], réparation par voie percutanée [par clip ou par de nouveaux dispositifs]…). Le champ des possibles se diversifiant à l’extrême, les décisions ne pourront pas toujours se guider, pour un malade donné, sur les résultats d’études comparant deux à deux toutes les possibilités thérapeutiques et plus que jamais, le choix devra résulter de la confrontation des expériences des membres d’une équipe pluridisciplinaire regroupant clinicien, chirurgien, anesthésiste et cardiologues interventionnels (2).
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tedles-
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Re: Un clip sur la mitrale
Merci pour le partage, très intéressant comme animation .
nour elhouda-
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Re: Un clip sur la mitrale
Merci pour le partage
Admin-
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