Le risque vasculaire peut être réduit chez l’insuffisant rénal
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Le risque vasculaire peut être réduit chez l’insuffisant rénal
Les sujets souffrant d’une insuffisance rénale chronique ont un risque cardiovasculaire (CV) majoré par rapport à la population générale. Mais la prévention de ce risque est rendue complexe par trois types de raisons :
- D’une part la physiopathologie des événements CV chez l’insuffisant rénal fait intervenir, en plus des facteurs habituels, d’autres mécanismes que dans la population indemne d’atteinte rénale. Ceci expliquerait notamment, le fait que les morts subites prédominent sur les infarctus du myocarde non létaux chez ces patients.
- D’autre part, des doses élevées de statines en cas d’insuffisance rénale pourraient augmenter le risque de myopathie.
- Enfin, les insuffisants rénaux ont été exclus de la majorité des grandes études d’intervention portant sur les effets des traitements hypocholestérolémiants sur le risque vasculaire, ce qui explique que l’on ne disposait pas jusqu’ici d’essai de grande envergure sur la prévention des événements cardiovasculaires dans cette population.
L’étude SHARP (pour Study of Heart and Renal Protection) a été conçue pour évaluer chez l’insuffisant rénal l’intérêt d’une bithérapie synergique associant une statine (la simvastatine) à l’ézétimibe, inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol.
Une étude débutée en 2003 et achevée en 2010
Au total, 9 270 patients insuffisants rénaux (créatinine plasmatique supérieure à 150 micromol/L chez l’homme et 130 chez la femme), dialysés ou non, ont été inclus dans cet essai randomisé en double aveugle conduit dans 380 centres répartis dans 18 pays. Etaient exclus de SHARP les sujets ayant des antécédents d’infarctus du myocarde (IDM) ou de revascularisation myocardique. En revanche, ce qui est particulièrement important, les patients étaient inclus quel que soit leur LDL cholestérol de base (1,1 mmol/L en moyenne).
Tous ces sujets ont été initialement assignés au hasard à 3 traitements : 20 mg de simvastatine plus 10 mg d’ézétimibe par jour, 20 mg de simvastatine ou un placebo. Le groupe simvastatine seule permettait d’évaluer la tolérance de l’association chez ce type de patient. Au terme d’une année, au cours de laquelle aucun effet défavorable de l’ézétimibe chez les insuffisants rénaux n’a été mis en évidence, les malades du groupe simvastatine seule ont été randomisés entre la bithérapie et un placebo. Ainsi, au total, il a été possible de comparer 4 650 patients sous l’association hypocholestérolémiante et 4 620 sous placebo.
Une baisse significative de la morbidité cardiovasculaire
Le critère principal de jugement était la survenue d’un premier événement CV majeur (IDM non fatal, décès d’origine coronarienne, accident vasculaire cérébral [AVC] non hémorragique ou toute intervention de revascularisation).
Le suivi médian a été de 4,9 ans.
Au plan biologique, sans surprise, à 4 ans, le cholestérol LDL a été réduit en moyenne de 0,77 mmol/L de plus dans le groupe traitement actif que dans le groupe placebo (p= 0,06).
En terme d’efficacité, la survenue d’un premier événement CV majeur a été réduite significativement par l’association simvastatine-ézétimibe (11,3 % contre 13,4 % sous placebo soit une réduction du risque relatif de 17 % avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre – 4 et – 26 % ; p=0,0021). Ces résultats sont en phase avec la méta-analyse CTT qui avait montré, dans la population générale, une baisse de la fréquence de ce type d’événements de 20 % environ pour une diminution de 1 mmol/L du LDL cholestérol. Ainsi pour la première fois chez l’insuffisant rénal, l’intérêt clinique d’un traitement hypocholestérolémiant a-t-il été démontré.
Pas d’effet sur la progression de l’insuffisance rénale ni sur la mortalité
Cette amélioration du pronostic vasculaire a porté principalement sur la nécessité de revascularisation coronarienne et sur la fréquence des AVC ischémiques qui sont les seuls événements défavorables pris individuellement pour lesquels la différence avec le groupe placebo a été significative. Il est à noter également que la diminution observée de la mortalité de cause cardiaque (passée de 5,9 % à 5,4 % sous traitement actif) n’a pas atteint de seuil de significativité statistique et que la mortalité toute cause confondue a été équivalente dans les deux groupes (24,6 % contre 24,1 % dans le groupe placebo). Enfin, le traitement n’a pas eu d’effet favorable significatif sur l’évolution rénale des patients qui n’étaient pas sous dialyse en début d’essai.
Une analyse selon des sous groupes pré-spécifiés n’a pas permis de mettre en évidence des caractéristiques cliniques ou biologiques initiales excluant un bénéfice de l’association. Toutefois on peut noter, ce qui n’est guère surprenant, que l’effet positif du traitement sur le critère principal de jugement était d’autant plus marqué que le LDL cholestérol de base était élevé ou que le HDL était bas.
Une tolérance satisfaisante
La tolérance du traitement était un autre enjeu important de SHARP. Dans ce domaine les données sont rassurantes puisque seules 0,2 % de myopathies (CPK au dessus de 10 fois la normale) ont été diagnostiquées dans le groupe traité contre 0,1 % dans le groupe placebo. De plus, la fréquence des cancers a été similaire dans les deux groupes (9,4 % contre 9,5 % dans le groupe placebo), de même que celle des calculs biliaires ou des pancréatites.
Au total, un traitement hypocholestérolémiant par une association simvastatine 20 mg-ézétimibe 10 mg a un effet favorable sur la morbidité athéromateuse chez l’insuffisant rénal et ce quelle que soit le LDL cholestérol initial.
Des voies de recherche
Si ce travail répond ainsi à certaines interrogations sur la prise en charge du risque vasculaire chez l’insuffisant rénal on peut toutefois regretter que cette étude n’ait pas comporté un groupe sous simvastatine seule jusqu’au terme de l’essai ce qui aurait permis de déterminer si l’adjonction de l’ézétimibe avait en plus de son effet biologique sur le taux de LDL, une efficacité sur la progression clinique de l’athérosclérose. Mais ceci aurait nécessité d’inclure un plus grand nombre de patients pour atteindre la puissance statistique requise.
Plusieurs questions restent à explorer dans ce domaine et notamment :
- Quels sont les autres traitements qui permettraient de réduire la surmortalité cardiaque non coronarienne observée au cours de l’insuffisance rénale ?
- Comment peut-on améliorer l’observance des traitements hypocholestérolémiants chez ce type de patients (seuls 68 % des malades du groupe simvastatine-ézétimibe prenaient encore ce traitement ou une autre statine à la fin de la quatrième année de l’essai).
- La même statine en monothérapie (éventuellement à doses plus élevées) ou une statine plus puissante auraient-elles les mêmes résultats avec la même tolérance ?
Dr Céline Dupin
Baigent C et coll.: The effects of lowering LDL cholesterol with simvastatin plus ezetimibe in patients with chronic kidney disease (Study of Heart and Renal Protection) : a randomised placebo-controlled trial. Lancet 2011; publication avancée en ligne le 9 juin 2011 (DOI:10.1016/S0140-6736(11)60739-3
- D’une part la physiopathologie des événements CV chez l’insuffisant rénal fait intervenir, en plus des facteurs habituels, d’autres mécanismes que dans la population indemne d’atteinte rénale. Ceci expliquerait notamment, le fait que les morts subites prédominent sur les infarctus du myocarde non létaux chez ces patients.
- D’autre part, des doses élevées de statines en cas d’insuffisance rénale pourraient augmenter le risque de myopathie.
- Enfin, les insuffisants rénaux ont été exclus de la majorité des grandes études d’intervention portant sur les effets des traitements hypocholestérolémiants sur le risque vasculaire, ce qui explique que l’on ne disposait pas jusqu’ici d’essai de grande envergure sur la prévention des événements cardiovasculaires dans cette population.
L’étude SHARP (pour Study of Heart and Renal Protection) a été conçue pour évaluer chez l’insuffisant rénal l’intérêt d’une bithérapie synergique associant une statine (la simvastatine) à l’ézétimibe, inhibiteur de l’absorption intestinale du cholestérol.
Une étude débutée en 2003 et achevée en 2010
Au total, 9 270 patients insuffisants rénaux (créatinine plasmatique supérieure à 150 micromol/L chez l’homme et 130 chez la femme), dialysés ou non, ont été inclus dans cet essai randomisé en double aveugle conduit dans 380 centres répartis dans 18 pays. Etaient exclus de SHARP les sujets ayant des antécédents d’infarctus du myocarde (IDM) ou de revascularisation myocardique. En revanche, ce qui est particulièrement important, les patients étaient inclus quel que soit leur LDL cholestérol de base (1,1 mmol/L en moyenne).
Tous ces sujets ont été initialement assignés au hasard à 3 traitements : 20 mg de simvastatine plus 10 mg d’ézétimibe par jour, 20 mg de simvastatine ou un placebo. Le groupe simvastatine seule permettait d’évaluer la tolérance de l’association chez ce type de patient. Au terme d’une année, au cours de laquelle aucun effet défavorable de l’ézétimibe chez les insuffisants rénaux n’a été mis en évidence, les malades du groupe simvastatine seule ont été randomisés entre la bithérapie et un placebo. Ainsi, au total, il a été possible de comparer 4 650 patients sous l’association hypocholestérolémiante et 4 620 sous placebo.
Une baisse significative de la morbidité cardiovasculaire
Le critère principal de jugement était la survenue d’un premier événement CV majeur (IDM non fatal, décès d’origine coronarienne, accident vasculaire cérébral [AVC] non hémorragique ou toute intervention de revascularisation).
Le suivi médian a été de 4,9 ans.
Au plan biologique, sans surprise, à 4 ans, le cholestérol LDL a été réduit en moyenne de 0,77 mmol/L de plus dans le groupe traitement actif que dans le groupe placebo (p= 0,06).
En terme d’efficacité, la survenue d’un premier événement CV majeur a été réduite significativement par l’association simvastatine-ézétimibe (11,3 % contre 13,4 % sous placebo soit une réduction du risque relatif de 17 % avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre – 4 et – 26 % ; p=0,0021). Ces résultats sont en phase avec la méta-analyse CTT qui avait montré, dans la population générale, une baisse de la fréquence de ce type d’événements de 20 % environ pour une diminution de 1 mmol/L du LDL cholestérol. Ainsi pour la première fois chez l’insuffisant rénal, l’intérêt clinique d’un traitement hypocholestérolémiant a-t-il été démontré.
Pas d’effet sur la progression de l’insuffisance rénale ni sur la mortalité
Cette amélioration du pronostic vasculaire a porté principalement sur la nécessité de revascularisation coronarienne et sur la fréquence des AVC ischémiques qui sont les seuls événements défavorables pris individuellement pour lesquels la différence avec le groupe placebo a été significative. Il est à noter également que la diminution observée de la mortalité de cause cardiaque (passée de 5,9 % à 5,4 % sous traitement actif) n’a pas atteint de seuil de significativité statistique et que la mortalité toute cause confondue a été équivalente dans les deux groupes (24,6 % contre 24,1 % dans le groupe placebo). Enfin, le traitement n’a pas eu d’effet favorable significatif sur l’évolution rénale des patients qui n’étaient pas sous dialyse en début d’essai.
Une analyse selon des sous groupes pré-spécifiés n’a pas permis de mettre en évidence des caractéristiques cliniques ou biologiques initiales excluant un bénéfice de l’association. Toutefois on peut noter, ce qui n’est guère surprenant, que l’effet positif du traitement sur le critère principal de jugement était d’autant plus marqué que le LDL cholestérol de base était élevé ou que le HDL était bas.
Une tolérance satisfaisante
La tolérance du traitement était un autre enjeu important de SHARP. Dans ce domaine les données sont rassurantes puisque seules 0,2 % de myopathies (CPK au dessus de 10 fois la normale) ont été diagnostiquées dans le groupe traité contre 0,1 % dans le groupe placebo. De plus, la fréquence des cancers a été similaire dans les deux groupes (9,4 % contre 9,5 % dans le groupe placebo), de même que celle des calculs biliaires ou des pancréatites.
Au total, un traitement hypocholestérolémiant par une association simvastatine 20 mg-ézétimibe 10 mg a un effet favorable sur la morbidité athéromateuse chez l’insuffisant rénal et ce quelle que soit le LDL cholestérol initial.
Des voies de recherche
Si ce travail répond ainsi à certaines interrogations sur la prise en charge du risque vasculaire chez l’insuffisant rénal on peut toutefois regretter que cette étude n’ait pas comporté un groupe sous simvastatine seule jusqu’au terme de l’essai ce qui aurait permis de déterminer si l’adjonction de l’ézétimibe avait en plus de son effet biologique sur le taux de LDL, une efficacité sur la progression clinique de l’athérosclérose. Mais ceci aurait nécessité d’inclure un plus grand nombre de patients pour atteindre la puissance statistique requise.
Plusieurs questions restent à explorer dans ce domaine et notamment :
- Quels sont les autres traitements qui permettraient de réduire la surmortalité cardiaque non coronarienne observée au cours de l’insuffisance rénale ?
- Comment peut-on améliorer l’observance des traitements hypocholestérolémiants chez ce type de patients (seuls 68 % des malades du groupe simvastatine-ézétimibe prenaient encore ce traitement ou une autre statine à la fin de la quatrième année de l’essai).
- La même statine en monothérapie (éventuellement à doses plus élevées) ou une statine plus puissante auraient-elles les mêmes résultats avec la même tolérance ?
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ismano- V.I.P
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Re: Le risque vasculaire peut être réduit chez l’insuffisant rénal
Merci pour le partage .
nour elhouda-
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