Secret médical et SIDA
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Secret médical et SIDA
Quelle attitude doit adopter un médecin à l’égard d'un patient séropositif qui lui déclare refuser de prendre les mesures nécessaires pour éviter de contaminer son partenaire ?
OBLIGATION AU SECRET PROFESSIONNEL, SIDA ET DÉNONCIATION
Le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est prononcé en laissant le médecin faire « un choix en conscience » tout en lui rappelant les risques encourus s’il dénonçait la maladie de son patient.
Mais, à la lecture des dispositions du code pénal, le médecin a-t-il vraiment le choix ?
I- L’avis du Conseil national de l’ordre des médecins
Cette délicate question a été mise à l'ordre du jour d'une séance du Conseil National de l'ordre des médecins le 21 mars 2009 .
En son avis, le Conseil national de l'Ordre des médecins rappelle que « le secret professionnel du médecin concernant la séropositivité sert tant la santé du patient (via le traitement du patient dépisté séropositif) que la santé publique (grâce aux mesures de prévention que permet le dépistage) ».
En effet, le secret professionnel est tant une garantie pour le patient qu’un moyen de lutte et de prévention contre toutes les maladies contagieuses.
Si le patient n'avait pas la garantie du respect du secret médical, il hésiterait à se confier.
Ceci aurait des effets néfastes tant pour le patient qui ne pourrait bénéficier d'un traitement précoce que pour la politique de la santé publique.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins précise " dans le cas ou le patient exprime son refus de souscrire à des mesures nécessaires pour éviter une contamination du partenaire sexuel occasionnel ou habituel, le médecin doit attirer son attention sur la nécessité d'informer son partenaire de sa séropositivité sous peine que le patient engage sa responsabilité civile et pénale".
Il incombe donc au patient dûment informé d’avertir de sa séropositivité son partenaire sexuel, le médecin pouvant lui proposer toute l'aide nécessaire pour la formulation de cette douloureuse réalité.
Mais que faire lorsque le patient refuse néanmoins de prendre les mesures nécessaires ou d'en informer son partenaire ? Le médecin doit-il dénoncer pour prévenir toutes contaminations ultérieures ? Le médecin encourt-il un risque de sanction en cas de non révélation, ou en cas …..de révélation ?
II- Les dispositions du Code Pénal
1) L'article 226-13 du Code Pénal sanctionne la violation du secret professionnel.
Néanmoins, l'article 226-14 du Code Pénal prévoit la possibilité pour le médecin de lever le secret professionnel avec l'accord du patient lorsqu'il constate dans l'exercice de sa profession, sur le plan physique ou psychique, l'existence de violences physiques, sexuelles ou psychiques de toutes natures qui ont été commises.
L’accord du patient n’est pas nécessaire lorsqu’il est un mineur ou particulièrement vulnérable ( hypothèse de l’altération des facultés physiques ou psychiques).
Ce texte n'est évidement pas applicable au cas d'espèce, puisque :
- d'une part, il impose d'obtenir l'accord du patient,
- d'autre part, ce texte concerne les violences physiques, sexuelles ou psychiques constatées sur le patient lui-même.
Ce texte ne permet donc pas au médecin de lever le secret professionnel.
2) L’état de nécessité
L'article 122-7 du Code Pénal précise que « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accompli un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien sauf s'il y a disproportion entre le moyen employé et la gravité de la menace. »
L'état de nécessité justifie donc la violation de dispositions pénales pour préserver d'autres valeurs et intérêts juridiques supérieurs.
Dès lors la levée du secret professionnel serait justifiée pour protéger la santé et la vie d’autres personnes.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins se prononce sur l’application de cet article et précise qu'il est essentiel " que l'état de nécessité invoqué par un médecin puisse être admis avec une quasi certitude par le juge disciplinaire ou pénal et par la société »
Le Conseil national de l’Ordre des médecins recommande ainsi au médecin de prendre avis auprès d'autres confrères, de recueillir au dossier médical l'ensemble des démarches entreprises et la persistance du refus du patient de prendre les précautions nécessaires.
Le Conseil National de l'Ordre des médecins conclut ainsi :
" Les valeurs supérieures qui, dans le cadre de l'état de nécessité, justifient la divulgation du secret médical doivent s’'interpréter de manière restrictive et en aucun cas il n'est fait obligation au médecin de parler. Le médecin concerné est seul habilité à décider, en conscience et au cas par cas, s'il y a état de nécessité qui justifie qu'il viole le secret médical. Même avec l'aval de confrères expérimentés, c'est d'abord sa responsabilité tant morale que juridique, qu'engage le médecin en prévenant lui-même le partenaire de son patient".
En d'autres termes, le Conseil national de l'Ordre des médecins estime que la levée du secret professionnel du médecin confronté à ce type de problématique est une faculté pour le médecin, faculté à utiliser avec énormément de précautions et aux risques et périls de celui-ci : le message est encourageant !
Néanmoins, au regard d’autres dispositions du Code Pénal (délit de non dénonciation de crime ou de délit), le médecin a-t-il vraiment le choix ?
3) L’infraction de non dénonciation de crime ou de délit
L'article 434-3 du Code Pénal précise que :
« Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie ou d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est punie de 3 ans d'emprisonnements et de 45.000 € d'amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précédent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. »
Le champ d'application de ce texte est restreint puisqu'il ne concerne que les mineurs de 15 ans (mineurs dont l'âge est inférieur à 15 ans) ou les personnes particulièrement vulnérables.
Cet article n’est pas applicable en l’espèce :
- d’une part, il prévoit une exception pour les personnes tenues au secret professionnel.
- d’autre part, les infractions concernées sont les privations, mauvais traitements ou atteintes sexuelles qui ne semblent pas s'appliquer au fait d'avoir des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires se sachant séropositif.
En effet, il a été jugé à de multiples reprises que constitue l'infraction « d'administration à autrui d'une substance nuisible de nature à nuire à la santé (prévue par l'article 222-15 du Code Pénal) » le fait pour le malade du sida de dissimuler délibérément son état de séropositivité, puis sa maladie, pour avoir des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires dont certains se retrouvent contaminés par le virus du sida.
Cette infraction fait partie de la section du Code Pénal consacrée aux atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et tout particulièrement du chapitre consacré aux violences.
Cet article n'est donc pas applicable.
4) L’infraction de non assistance à personne en danger
L'article 223-6 du Code Pénal précise que "quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pur lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de 5 ans d'emprisonnements et de 75.000 € d'amende".
Ce texte ne prévoit aucune exception pour les personnes tenues au secret professionnel.
Il vise tous les crimes ou délits contre l'intégrité corporelle.
Il s’applique donc à l’infraction d’administration de substances nuisibles et à la contamination intentionnelle du virus du Sida.
Par conséquent, à la lecture de l'article 223-6 du Code Pénal, un médecin qui a connaissance de manière certaine qu'un de ses patients aura des relations sexuelles avec un partenaire qui sera maintenu volontairement dans l'ignorance de la séropositivité de son conjoint est tenu de l'en empêcher par son action immédiate.
A mon sens, la seule possibilité d’action du médecin est donc d'informer par un signalement le Procureur de la République en ayant bien pris soin, comme le préconise le Conseil National de l'Ordre des médecins, de recueillir le maximum d'informations pour justifier des intentions du patient et du caractère immédiat des infractions qu'il prépare.
A défaut, le médecin s’expose à des sanctions pénales sachant que le débat devant les juridictions résidera dans la connaissance par le médecin des intentions de son patient et dans la preuve du danger immédiat. Tout dépendra donc des circonstances.....
Le silence n’est donc pas toujours le meilleur conseil à donner au médecin puisqu’il existe des risques de sanctions pénales du médecin tant dans la levée du secret professionnel que dans l’absence de dénonciation.
LAMPIN François -LILLE-
OBLIGATION AU SECRET PROFESSIONNEL, SIDA ET DÉNONCIATION
Le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est prononcé en laissant le médecin faire « un choix en conscience » tout en lui rappelant les risques encourus s’il dénonçait la maladie de son patient.
Mais, à la lecture des dispositions du code pénal, le médecin a-t-il vraiment le choix ?
I- L’avis du Conseil national de l’ordre des médecins
Cette délicate question a été mise à l'ordre du jour d'une séance du Conseil National de l'ordre des médecins le 21 mars 2009 .
En son avis, le Conseil national de l'Ordre des médecins rappelle que « le secret professionnel du médecin concernant la séropositivité sert tant la santé du patient (via le traitement du patient dépisté séropositif) que la santé publique (grâce aux mesures de prévention que permet le dépistage) ».
En effet, le secret professionnel est tant une garantie pour le patient qu’un moyen de lutte et de prévention contre toutes les maladies contagieuses.
Si le patient n'avait pas la garantie du respect du secret médical, il hésiterait à se confier.
Ceci aurait des effets néfastes tant pour le patient qui ne pourrait bénéficier d'un traitement précoce que pour la politique de la santé publique.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins précise " dans le cas ou le patient exprime son refus de souscrire à des mesures nécessaires pour éviter une contamination du partenaire sexuel occasionnel ou habituel, le médecin doit attirer son attention sur la nécessité d'informer son partenaire de sa séropositivité sous peine que le patient engage sa responsabilité civile et pénale".
Il incombe donc au patient dûment informé d’avertir de sa séropositivité son partenaire sexuel, le médecin pouvant lui proposer toute l'aide nécessaire pour la formulation de cette douloureuse réalité.
Mais que faire lorsque le patient refuse néanmoins de prendre les mesures nécessaires ou d'en informer son partenaire ? Le médecin doit-il dénoncer pour prévenir toutes contaminations ultérieures ? Le médecin encourt-il un risque de sanction en cas de non révélation, ou en cas …..de révélation ?
II- Les dispositions du Code Pénal
1) L'article 226-13 du Code Pénal sanctionne la violation du secret professionnel.
Néanmoins, l'article 226-14 du Code Pénal prévoit la possibilité pour le médecin de lever le secret professionnel avec l'accord du patient lorsqu'il constate dans l'exercice de sa profession, sur le plan physique ou psychique, l'existence de violences physiques, sexuelles ou psychiques de toutes natures qui ont été commises.
L’accord du patient n’est pas nécessaire lorsqu’il est un mineur ou particulièrement vulnérable ( hypothèse de l’altération des facultés physiques ou psychiques).
Ce texte n'est évidement pas applicable au cas d'espèce, puisque :
- d'une part, il impose d'obtenir l'accord du patient,
- d'autre part, ce texte concerne les violences physiques, sexuelles ou psychiques constatées sur le patient lui-même.
Ce texte ne permet donc pas au médecin de lever le secret professionnel.
2) L’état de nécessité
L'article 122-7 du Code Pénal précise que « n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accompli un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien sauf s'il y a disproportion entre le moyen employé et la gravité de la menace. »
L'état de nécessité justifie donc la violation de dispositions pénales pour préserver d'autres valeurs et intérêts juridiques supérieurs.
Dès lors la levée du secret professionnel serait justifiée pour protéger la santé et la vie d’autres personnes.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins se prononce sur l’application de cet article et précise qu'il est essentiel " que l'état de nécessité invoqué par un médecin puisse être admis avec une quasi certitude par le juge disciplinaire ou pénal et par la société »
Le Conseil national de l’Ordre des médecins recommande ainsi au médecin de prendre avis auprès d'autres confrères, de recueillir au dossier médical l'ensemble des démarches entreprises et la persistance du refus du patient de prendre les précautions nécessaires.
Le Conseil National de l'Ordre des médecins conclut ainsi :
" Les valeurs supérieures qui, dans le cadre de l'état de nécessité, justifient la divulgation du secret médical doivent s’'interpréter de manière restrictive et en aucun cas il n'est fait obligation au médecin de parler. Le médecin concerné est seul habilité à décider, en conscience et au cas par cas, s'il y a état de nécessité qui justifie qu'il viole le secret médical. Même avec l'aval de confrères expérimentés, c'est d'abord sa responsabilité tant morale que juridique, qu'engage le médecin en prévenant lui-même le partenaire de son patient".
En d'autres termes, le Conseil national de l'Ordre des médecins estime que la levée du secret professionnel du médecin confronté à ce type de problématique est une faculté pour le médecin, faculté à utiliser avec énormément de précautions et aux risques et périls de celui-ci : le message est encourageant !
Néanmoins, au regard d’autres dispositions du Code Pénal (délit de non dénonciation de crime ou de délit), le médecin a-t-il vraiment le choix ?
3) L’infraction de non dénonciation de crime ou de délit
L'article 434-3 du Code Pénal précise que :
« Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie ou d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est punie de 3 ans d'emprisonnements et de 45.000 € d'amende.
Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précédent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13. »
Le champ d'application de ce texte est restreint puisqu'il ne concerne que les mineurs de 15 ans (mineurs dont l'âge est inférieur à 15 ans) ou les personnes particulièrement vulnérables.
Cet article n’est pas applicable en l’espèce :
- d’une part, il prévoit une exception pour les personnes tenues au secret professionnel.
- d’autre part, les infractions concernées sont les privations, mauvais traitements ou atteintes sexuelles qui ne semblent pas s'appliquer au fait d'avoir des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires se sachant séropositif.
En effet, il a été jugé à de multiples reprises que constitue l'infraction « d'administration à autrui d'une substance nuisible de nature à nuire à la santé (prévue par l'article 222-15 du Code Pénal) » le fait pour le malade du sida de dissimuler délibérément son état de séropositivité, puis sa maladie, pour avoir des relations sexuelles non protégées avec de multiples partenaires dont certains se retrouvent contaminés par le virus du sida.
Cette infraction fait partie de la section du Code Pénal consacrée aux atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et tout particulièrement du chapitre consacré aux violences.
Cet article n'est donc pas applicable.
4) L’infraction de non assistance à personne en danger
L'article 223-6 du Code Pénal précise que "quiconque, pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pur lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de 5 ans d'emprisonnements et de 75.000 € d'amende".
Ce texte ne prévoit aucune exception pour les personnes tenues au secret professionnel.
Il vise tous les crimes ou délits contre l'intégrité corporelle.
Il s’applique donc à l’infraction d’administration de substances nuisibles et à la contamination intentionnelle du virus du Sida.
Par conséquent, à la lecture de l'article 223-6 du Code Pénal, un médecin qui a connaissance de manière certaine qu'un de ses patients aura des relations sexuelles avec un partenaire qui sera maintenu volontairement dans l'ignorance de la séropositivité de son conjoint est tenu de l'en empêcher par son action immédiate.
A mon sens, la seule possibilité d’action du médecin est donc d'informer par un signalement le Procureur de la République en ayant bien pris soin, comme le préconise le Conseil National de l'Ordre des médecins, de recueillir le maximum d'informations pour justifier des intentions du patient et du caractère immédiat des infractions qu'il prépare.
A défaut, le médecin s’expose à des sanctions pénales sachant que le débat devant les juridictions résidera dans la connaissance par le médecin des intentions de son patient et dans la preuve du danger immédiat. Tout dépendra donc des circonstances.....
Le silence n’est donc pas toujours le meilleur conseil à donner au médecin puisqu’il existe des risques de sanctions pénales du médecin tant dans la levée du secret professionnel que dans l’absence de dénonciation.
LAMPIN François -LILLE-
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