Le système nerveux. - Les neurones E. ESCUDIER, J. POIRIER, JM ANDRE, ET JJ MORERE 2005 – 2006 Université PARIS-VI Pierre et Marie Curie Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière Cours d’histologie 1ère année de médecine
1 Le système nerveux
Le tissu nerveux, substratum histologique du système nerveux (SN), est spécialisé dans la conduction, la transmission et le traitement des informations. Présent dans toutes les régions du corps, il est - avec le système hormonal et le monde des cytokines - l’un des trois grands moyens de communication de l’organisme. D’un point de vue anatomique, il est commode de distinguer au sein du tissu nerveux, ce qui appartient au système nerveux central (SNC) de ce qui appartient au système nerveux périphérique (SNP), tout en se souvenant que ces distinctions sont arbitraires et que le SN forme un tout qui, in vivo, n’est pas découpé en organes séparés. Le SNC (ou névraxe), concentré à l’intérieur du crâne et de la colonne vertébrale qui le protègent, est constitué de haut en bas par l’encéphale (cerveau, tronc cérébral - pédoncules, protubérance et bulbe - et cervelet) prolongé par la moelle épinière. Le SNP, en parfaite continuité avec le SNC, est formé par les ganglions et les nerfs périphériques qui irradient du névraxe vers tous les points de l’organisme, assurant l’acheminement des informations vers le SNC et celui des ordres du SNC vers les effecteurs périphériques. D’un point de vue physiologique, on distingue volontiers dans l’ensemble du SNC et SNP ce qui appartient à la vie de relation et ce qui appartient à la vie végétative (système nerveux végétatif ou autonome : SNV ou SNA) ; on a tendance actuellement à isoler également un SN intestinal ou SN entérique (SNE). Mais, là encore, ces distinctions arbitraires ne remettent aucunement en cause l’unicité du SN. D’un point de vue histologique, l’élément constitutif de base du tissu nerveux est le neurone. 2 Les neurones Les neurones (ou cellules nerveuses) sont des cellules hautement différenciées, spécialisées dans la communication intercellulaire. Ils reçoivent, traitent et transmettent des informations (des signaux). Chez l’adulte, les neurones matures ne se renouvellent pas, car ce sont des cellules hors cycle qui ne se divisent pas. Les cellules neuro-sensorielles olfactives font exception : elles se renouvellent pendant toute la vie à partir de cellules-souches situées dans la couche basale de l’épithélium olfactif. De nombreux travaux insistent actuellement sur l’existence dans le cerveau adulte d’une population de cellules-souches capables de se différencier en neurones et en cellules gliales. Leur rôle et leur importance ne sont toutefois pas encore clairement établis dans l’espèce humaine. Un neurone seul, isolé, n’a pas de signification. La fonction du système nerveux (SN) implique que les neurones communiquent entre eux, au niveau des synapses, réalisant ainsi des chaînes, des boucles, des circuits, des réseaux nerveux extraordinairement compliqués. 2.1 La fonction des neurones est indissociable de leur forme
2.1.1 Le neurone comprend un corps cellulaire, des dendrites et un axone
Délimitée par sa membrane plasmique, la cellule nerveuse est constituée par un corps cellulaire (ou soma ou périkaryon) d’où partent des prolongements (ou neurites) de deux types, lesdendrites et l’axone, qui diffèrent par de nombreux caractères. Les dendrites, habituellement multiples, et toujours très courts, conduisent l’influx nerveux (ou signal nerveux) vers le corps cellulaire, alors que l’axone, toujours unique, parfois très long (pouvant atteindre 1 mètre), conduit l’influx nerveux à partir du corps cellulaire et en s’en éloignant, jusqu’à ses cibles.
2.1.2 Mais les différences d’un neurone à l’autre sont nombreuses
• Selon la disposition générale des prolongements par rapport au corps cellulaire, on distingue des neurones unipolaires (qui n’ont qu’un seul prolongement), bipolaires (qui ont un prolongement afférent et un prolongement efférent),pseudo-unipolaires (ayant un prolongement unique qui se bifurque à distance du corps cellulaire en un prolongement afférent et un prolongement efférent) ou multipolaires (qui ont des prolongements multiples : un seul axone, mais de nombreux dendrites). • Selon la forme du corps cellulaire, on reconnaît des neurones étoilés, fusiformes, coniques, polyédriques, sphériques, pyramidaux (selon leur volume, on distingue les cellules pyramidales en petites, moyennes, grandes ou géantes). • Selon l’organisation dans l’espace des ramifications dendritiques on distingue des neurones isodendritiques, (divergence des dendrites dans toutes les directions),allodendritiques (asymétrie limitée de l’arbre dendritique) ou idiodendritiques (organisation spécifique de l’arbre dendritique). • La longueur de l’axone diffère dans les neurones de Golgi type I (neurones de projection) qui ont un axone long - pouvant atteindre plus d’un mètre - et dans les neurones de Golgi type II(neurones d’association) dont l’axone, court, ne sort pas des environs immédiats du corps cellulaire.
2.2 La structure des neurones est caractéristique
2.2.1 Le noyau, volumineux et sphérique, contient un gros nucléole La plupart des neurones possèdent, au milieu de leur corps cellulaire, un noyau unique, volumineux, sphérique, clair, à chromatine dispersée, avec un gros nucléole, arrondi, dense, bien visible en MO.
2.2.2 Le cytoplasme est riche en organites, mais leur répartition n’est pas homogène L’appareil de Golgi, habituellement volumineux, est situé dans le corps cellulaire, en position juxta-nucléaire . Les corps de Nissl se situent dans le corps cellulaire et éventuellement dans les dendrites. L’examen en MO de préparations colorées par des bleus basiques montre que le cytoplasme du corps cellulaire neuronal et de la partie proximale des dendrites contient un matériel intensément basophile réparti de façon variable et se présentant sous forme de blocs assez volumineux ou au contraire d’un fin semis de granulations. Ces corps de Nissl correspondent, en ME, à des amas de citernes de réticulum endoplasmique granulaire entre lesquels se trouvent de nombreux ribosomes libres souvent arrangés en petites rosettes de 5 à 6 grains (polysomes). L’abondance de cet ergastoplasme est le témoin de l’importance des synthèses protéiques de la cellule nerveuse. Présents également dans les dendrites, les corps de Nissl sont par contre totalement absents de l’axone et de son cône d’implantation. Les mitochondries et le cytosquelette sont ubiquitaires, dans tout le cytoplasme neuronal — Les mitochondries sont nombreuseset réparties dans le corps cellulaire, les dendrites et l’axone — Le cytosquelette est particulièrement riche. Présent dans le corps cellulaire, les dendrites et l’axone, le cytosquelette est composé demicrofilaments d’actine, de filaments intermédiaires (constitués de protéines de neurofilaments) et de microtubules. Les microtubules sont indispensables à la réalisation du flux axonal (ou transport axonal) qui permet les transports bidirectionnels d’organites (mitochondries, vésicules synaptiques, lysosomes), de canaux ioniques, de neurotransmetteurs et neuromodulateurs, d’oligomères des protéines du cytosquelette, de molécules diverses entre le corps cellulaire et les extrémités axonales. Les synthèses protéiques ont lieu dans le corps cellulaire du neurone et ne peuvent se produire dans l’axone. Ainsi, les produits nouvellement synthétisés doivent cheminer le long de l’axone pour permettre le maintien de l’intégrité de la terminaison nerveuse qui est parfois très éloignée du site du corps cellulaire. On distingue un flux axonal antérograde (rapide ou lent) allant du corps cellulaire vers la périphérie et un flux axonal rétrograde cheminant en sens inverse. Le flux axonal rapide antérograde est assuré par les kinésines qui se lient aux organites à transporter et aux microtubules axonaux. Le flux axonal rétrograde est assuré par les dynéines cytoplasmiques qui réalisent comme précédemment un pont protéique entre l’organite et les microtubules. Dans les deux cas, le mouvement est généré par l’activité ATPasique de ces molécules. Les mécanismes du flux axonal lent sont mal connus.
Les autres organites
En plus des principaux organites précédemment décrits, on trouve encore dans le cytoplasme neuronal du réticulum endoplasmique lisse, des lysosomes, des amas de lipofuscine (pigment jaune-brun dont l’abondance augmente avec l’âge). Les neurones adultes ne possèdent habituellement pas de centrosome.
Les cas particuliers — Les neurones pigmentés du tronc cérébral contiennent dans leur cytoplasme des grains de neuro-mélanine. — Les neurones neuro-sécrétoires, situés dans l’hypothalamus, renferment des vésicules de sécrétion, arrondies, denses, entourées d’un halo clair, contenant des neuro-hormones . Celles-ci sont déversées dans la circulation sanguine et agissent à distance sur des cellules-cibles de nature diverse (cf. chapitres précédents).
2.3 La membrane plasmique neuronale est le siège des synapses
Les synapses sont des zones spécialisées de contact membranaire permettant la transmission de l’influx nerveux d’un neurone à un autre neurone ou d’une cellule réceptrice à un neurone ou d’un neurone à une cellule effectrice. Les synapses électriques sont des jonctions communicantes assurant le couplage électrotonique des deux neurones qu’elles relient ; a diffusion électrotonique de l’influx nerveux y est passive, bidirectionnelle, très rapide, sans fatigabilité, Dans la pratique courante, le terme de synapse désigne en fait uniquement lessynapses chimiques, au niveau desquelles la transmission de l’influx nerveux se fait de façon unidirectionnelle par l’intermédiaire de molécules de signalisation ou neurotransmetteurs (ou médiateurs chimiques). Les synapses ne sont pas visibles en MO. Leur identification et leur étude morphologique nécessite la ME. Chaque synapse comporte un élément présynaptique et un élément post-synaptique séparés par une fente synaptique comprise entre la membrane présynaptique et la membrane postsynaptique. Après avoir intégré les informations qu’il a reçues, le neurone y répond d’une façon univoque en libérant dans la fente synaptique un ou plusieurs neurotransmetteurs contenus dans des vésicules synaptiques. Ces molécules agissent directement sur le neurone post-synaptique.
2.3.1 L’élément pré-synaptique renferme les vésicules synaptiques contenant les neurotransmetteurs En dehors desmitochondries et du cytosquelette, les deux constituants les plus importants de l’élément présynaptique sont les vésicules synaptiques (dites aussi vésicules présynaptiques) et l’épaississement de la membrane présynaptique. Le feuillet interne de la membrane présynaptique apparaît en effet plus épais et plus dense aux électrons que le reste de la membrane plasmique du neurone. Cette densification membranaire correspond à une structure complexe appelée grille présynaptique, faite de l’arrangement régulier, trigonal, de projections denses reliées par de fins microfilaments et circonscrivant ainsi des emplacements où les vésicules synaptiques peuvent se loger individuellement. De petites dépressions (synaptopores) visibles à la face externe de la membrane présynaptique s’enfoncent en regard des emplacements vésiculaires situés sur l’autre face de la membrane. Les vésicules synaptiques peuvent être classées selon leur taille, leur forme, la densité de leur contenu et surtout la nature des neurotransmetteurs qu’elles déversent dans la fente synaptique. Les études en immunocytochimie et en hybridation in situ ont bien montré que la co-localisation de différents neurotransmetteurs et/ou neuromodulateurs dans une même synapse est fréquente. Les petites vésicules synaptiques renferment des neurotransmetteurs classiques Elles sont groupées près des « zones actives » de la membrane présynaptique. Après leur exocytose, elles sont recyclées et remplies localement. Leur membrane est riche en synaptophysine, protéine transmembranaire majeure des petites vésicules synaptiques du SNC et du SNP ainsi que des cellules neuroendocrines. Ces vésicules ne contiennent pas de protéines solubles du type de la chromogranine. On distingue 3 variétés de petites vésicules synaptiques : 1) les petites vésicules synaptiques sphériques à centre clairont un contenu transparent aux électrons, fait d’acétylcholine, d’acides aminés excitateurs (glutamate ou aspartate) et/ou de purines (ATP, adénosine) ; 2) les petites vésicules synaptiques sphériques à centre dense renferment des amines biogènes (catécholamines [noradrénaline, adrénaline, dopamine], sérotonine, histamine) et/ou des purines ; 3) les petites vésicules synaptiques ovalaires à centre claircontiennent souvent des neurotransmetteurs inhibiteurs comme le GABA (acide gammaamino-butyrique) ou la glycine. Le cycle des petites vésicules synaptiques dans la terminaison nerveuse requiert successivement : 1) le remplissage des vésicules avec le neurotransmetteur, 2) la translocation des vésicules vers les zones actives de la membrane présynaptique, 3) l’arrimage des vésicules à la membrane plasmique présynaptique, 4) la fusion des membranes avec ouverture de « pores » de fusion, 5) la libération du neurotransmetteur par exocytose dans la fente synaptique, 6) le recyclage membranaire des vésicules.
La fusion des vésicules synaptiques avec la membrane plasmique et l’exocytose du neurotransmetteur sont déclenchées par l’arrivée du potentiel d’action (influx nerveux) qui, lorsqu’il atteint l’extrémité synaptique, entraîne la dépolarisation de la membrane présynaptique et, par voie de conséquence, l’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants situés dans cette membrane et donc l’entrée de Ca++ dans la terminaison présynaptique. Le mécanisme intime par lequel le neurotransmetteur est libéré dans la fente synaptique répond à la description générale du phénomène d’exocytose qui a été exposée dans un chapitre précédant . Le rôle majeur est donc dévolu au complexe formé par l’interaction des protéines cytoplasmiques NSF et SNAPs avec les glycoprotéines membranaires v-SNAREs et t-SNAREs. La synaptotagmine (calmodulin-binding protéine transmembranaire présente dans toutes les vésicules synaptiques) joue un rôle majeur dans le déclenchement du processus d’exocytose par le Ca++ entré dans la cellule.
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Les grandes vésicules synaptiques à centre dense renferment des neuropeptides, éventuellement associés à des neurotransmetteurs classiques . Les grandes vésicules synaptiques à centre dense sont sphériques, d’un diamètre supérieur à celui des petites vésicules synaptiques et contiennent en leur centre un grain dense aux électrons séparé de la membrane par un halo clair. Elles sont produites dans le corps cellulaire au niveau de l’appareil de Golgi. Elles contiennent des neurohormones ou des neuropeptides, éventuellement associés à des neurotransmetteurs classiques. Elles contiennent également des protéines solubles du type de la chromogranine. Les neuropeptides sont plus des neuromodulateurs que des neurotransmetteurs au sens propre. On distingue les neuropeptides opioïdes (ou endorphines), agonistes endogènes naturels des récepteurs aux opiacés, et les neuropeptides non-opioïdes (ocytocine, vasopressine, somatostatine, neuropeptide Y, etc.). Leur libération à partir des terminaisons nerveuses du SNC a plus de points communs avec la libération des hormones à partir des cellules endocrines qu’avec l’exocytose des petites vésicules synaptiques. L’exocytose des grandes vésicules à centre dense se distingue en effet de celle des petites vésicules synaptiques par au moins 4 points : 1) elles sont situées à distance des zones actives et les neuropeptides sont libérés de façon ectopique, c’est à dire pas directement dans la fente synaptique ; 2) il n’y a pas de recyclage local des grandes vésicules à centre dense dans les extrémités présynaptiques, car les neuropeptides sont synthétisés de novo par clivage de précurseurs peptidiques synthétisés dans le corps cellulaire ; 3) Les grandes vésicules à centre dense sont dépourvues de la plupart des protéines spécifiques associées aux petites vésicules synaptiques, ou en contiennent des quantités bien moindres (c’est le cas de la synaptophysine) ; 4) Le contenu des grandes vésicules à centre dense est libéré par une augmentation globale de la concentration en Ca++ et non par un couplage localisé entre les canaux calcium et l’exocytose. Le plus souvent, l’élément pré-synaptique est une terminaison axonale (cf. plus loin) 2.3.2 La fente synaptique est le très mince espace qui sépare la membrane pré-synaptique de la membrane post-synaptique
2.3.3 L’élément post-synaptique présente de nombreux récepteurs membranaires En ME, la membrane post-synaptique présente un épaississement dense aux électrons plus important que celui de la membrane présynaptique. Le neurotransmetteur libéré dans la fente synaptique se fixe sur les récepteurs ionotropiques ou métabotropiques de la membrane postsynaptique. Les récepteurs ionotropiques (ou récepteurs-canaux) Leur ouverture est contrôlée par un neurotransmetteur. L’ouverture des canaux sodium, récepteurs de l’acétylcholine ou du glutamate, entraîne l’entrée de Na+ dans l’élément postsynaptique et par voie de conséquence une dépolarisation de la membrane de la cellule-cible et donc une excitation neuronale (synapses excitatrices). L’ouverture des canaux chlore, récepteurs du GABA ou de la glycine, entraîne une hyperpolarisation de la membrane de la cellule-cible et donc une inhibition neuronale (synapses inhibitrices).
Les récepteurs métabotropiques
A la différence des récepteurs ionotropiques, les récepteurs métabotropiques sont séparés des canaux ioniques dont ils règlent le fonctionnement, le couplage étant assuré par une protéine membranaire de la famille des protéines G. La stimulation de certains neurones post-synaptiques entraîne la production de NO (monoxyde d’azote ou oxyde nitrique) est produit grâce à la présence d’une enzyme, la NO-synthétase, qui peut être détectée par immunocytochimie. C’est par simple diffusion que NO est libéré à travers la membrane du neurone et qu’il pénètre dans le neurone receveur. Son rôle exact est inconnu. Le plus souvent l’élément post-synaptique est un dendrite (synapses axo-dendritiques) ou un corps cellulaire (synapses axo-somatiques). Les ramifications dendritiques de certains neurones (comme les cellules pyramidales du cortex cérébral et les cellules de Purkinje du cortex cérébelleux) sont couvertes de très nombreuses petites protrusions, appelées épines dendritiques, qui constituent autant d’éléments post-synaptiques différenciés. Il existe également des synapses axo-axoniques, où une terminaison axonale présynaptique entre en contact avec l’axone d’un autre neurone soit au niveau de son segment initial, soit tout près de sa propre terminaison ; dans ce dernier cas, cette synapse axo-axonique sert à inhiber le fonctionnement de la terminaison axonale sur laquelle elle fait contact (phénomène de l’inhibition présynaptique). Plus rarement, il s’agit de synapses dendro-dendritiques, dendro-somatiques, dendro-axoniques, somato-dendritiques, somato-somatiques ou somato-axoniques.
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