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Ischémie intestinale aiguë.

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Post by tedles Wed 14 Dec - 16:56

Ischémie intestinale aiguë.
Pr. S. Berkane
Hôpital Bologhine, Alger – année 2007-2008

Conférence de résidanat de chirurgie générale (4ème année)

I- Définition : c’est une souffrance intestinale aiguë secondaire à un défaut de vascularisation. Elle est le résultat d’un arrêt brutal ou d’un ralentissement progressif de l’apport (système artériel) ou du retour sanguin (système veineux).

II- Intérêts :
A- Fréquence : elle reste difficile à quantifier. Mais, une chose est à l’heure actuelle sure, c’est le fait que l’étiologie veineuse est de plus en plus reconnue et traitée. La thrombose veineuse génératrice d’ischémie intestinale doit être évoquée devant tout tableau abdominal aigu ou sub-aigu dont la cause est à priori non évidente.

B- Diagnostic : il reste difficile dans la majorité des cas surtout au stade précoce (les 6 premières heures). Actuellement, la tomodensitométrie est la clé du diagnostic positif et permet une surveillance du patient lorsque la chirurgie n’est pas indiquée d’emblée devant les formes non compliquées (risque de nécrose et perforation).

C- Thérapeutique : la chirurgie n’est plus systématique lorsque le diagnostic est bien établi et qu’il n’existe pas de complications (stade d’ischémie). La mise en route d’un traitement médical (traitement anticoagulant, traitement vasodilatateur, …) permet la rétrocession dans un certain nombre de cas.

D- Pronostic : très réservé depuis plusieurs décennies, une meilleure connaissance des étiologies ainsi que le diagnostic précoce ont amélioré ce dernier. Mais, le terrain reste le premier facteur défavorable (cardiopathie, terrain vasculaire, sujet âgé,…)

III- Rappel sur la vascularisation de l’intestin :

L’intestin grêle et le colon sont vascularisés sur le plan artériel par les systèmes mésentérique supérieur et inférieur : Artère mésentérique supérieure (AMS) et inférieure (AMI) qui sont anastomosés entre elles (arcade de Riolan). Le système mésentérique lui-même est anastomosé avec les branches du tronc coeliaque (artère hépatique commune, artère splénique) par l’intermédiaire des arcades pancréatiques. Sur le plan veineux, le système mésentérico-portal (veines mésentériques supérieure, inférieure et veine splénique) est anastomosé avec les systèmes caves supérieur et inférieur (veines hémorroïdales, œsogastriques). Mais, certaines régions anatomiques de l’intestin ont une vascularisation de type terminale de sorte qu’une obstruction brutale mène vers l’ischémie et l’infarcissement.

IV- Etiopathogénie :

A- Fréquence : parmi les urgences abdominales l’ischémie intestinale ne représente pas une assez grande proportion. Une enquête réalisée par l’association universitaire de recherche en chirurgie (AURC) et l’association de recherche en chirurgie (ARC) en 1989 , sur 6970 patients consultant en urgence, a établi un diagnostic certain d’infarctus intestinal chez 70 d’entres eux soit une fréquence de 1%.Ce chiffre est certainement en deçà de la vérité puisque il n’a pris en compte que l’infarctus constitué et opéré alors que l’ischémie intestinale est une situation beaucoup plus fréquente.

B- Age : c’est une pathologie qui touche surtout le sujet âgé pour l’étiologie artérielle alors qu’elle touche le sujet jeune pour l’étiologie veineuse.

C- Sexe : il n’existe pas de prédominance de sexe.

D- Terrain : il s’agit de patients qui ont une pathologie vasculaire artérielle chronique, une pathologie cardiaque (ACFA, …) et une pathologie touchant l’hémostase avec tendance à l’hypercoagulopathie. Dans certains cas, c’est un terrain infectieux général ou des troubles hémodynamiques qui font le lit de l’ischémie intestinale.

1- Lésions vasculaires : 50% des cas
a- Lésions artérielles : une embolie artérielle (cruorique) survient sur un réseau artériel intact alors qu’une thrombose survient sur un réseau artériel athéroscléreux. Il faut signaler qu’un embole peut aussi se détacher d’une artère pathologique et aller obstruer l’AMS.

- Les maladies en cause :
L’embolie secondaire à un trouble du rythme (arythmie complète par fibrillation auriculaire par exemple) et maladie cardiaque.
La thrombose vue dans le cadre de l’athérome.

- Bas débit (ischémie mésentérique non obstructive) : 25% des cas.
Défaillance cardiaque, hypovolémie (choc septique et déshydratation) et médicaments (digitaline et vasopresseurs)

-Thromboses veineuses :
Sepsis, syndrome myéloprolifératif, cancer, maladie inflammatoire, contraception, troubles de la coagulation (hypercoagulopathies), causes iatrogènes, traumatisme et œdème.

V- Anatomie-pathologie :
A- Lésions artérielles :
Il peut s’agir d’embole (cruorique) de l’AMS et dans ce cas le territoire mésentérique est sain. En cas de thrombose, ce dernier est déjà pathologique avec des lésions d’athérome préexistant au niveau des troncs artériels, qui peuvent présenter des calcifications.

B- Lésions veineuses :
Il s’agit de thrombose veineuse d’importance variable qui touche le territoire mésentérique. On parle soit de thrombose centripète (la thrombose allant de l’arcade et des vaisseaux droits vers les gros troncs) soit de thrombose centrifuge (thrombose allant d’un gros tronc vers les vaisseaux droits). Les artères dans ces cas sont perméables, mais le plus souvent de petit calibre en bas débit ou spasmées du fait d’une augmentation des résistances périphériques.

C- Lésions intestinales et mésentériques: elles sont différentes selon l’étiologie et le stade auquel est vu le patient.

1- Dans les ischémies artérielles aiguës (IAA): au stade précoce, l’intestin est pale, animé d’intenses mouvements péristaltiques. Il est spasmé de façon diffuse. Les artères dans le mésentère ne sont pas battantes. Cet état (précoce) est rarement rencontré car le plus souvent c’est au stade tardif que le patient est vu. L’atteinte esttransmurale et rapide. Elle peut être d’origine obstructive ou non obstructive par bas débit. La paroi intestinale est ischémiée et amincie en raison de la destruction rapide des couches superficielles qui met à nu la musculeuse. Le mésentère avoisinant est le siège d’une infiltration hémorragique. La longueur intestinale est variable. Les lésions peuvent être multifocales. L’intestin vu par sa face séreuse est noir et à la coupe sa paroi est fine. Avec l’évolution, l’infiltration hématique disparaît et la paroi nécrosée très amincie apparaît jaunâtre et papyracée. Les zones de transition avec l’intestin sain sont nettes. Au début l’intestin ischémié est de calibre réduit et secondairement va se distendre grâce à l’accumulation liquidienne alors que l’intestin d’amont va se distendre par les gazs et les liquides (iléus fonctionnel). Au stade tardif (maximum 4 jours), survient la perforation intestinale après la surinfection et la péritonite survient.

2- Au cours de l’ischémie artérielle sub-aiguë (IASA) : l’atteinte est limitée à la muqueuse et la sous-muqueuse, elle épargne la musculeuse. Les lésions sont multifocales ou continues sur un segment plus ou moins long de l’intestin. L’intestin apparaît rouge sombre par distension hémorragique mais sans infiltration de la séreuse.

3- Dans les ischémies veineuses :
Il existe une infiltration intestinale et mésentérique. On note un épanchement péritonéal hémorragique et massif. L’épaississement pariétal de l’intestin est très important. A la différence de l’ischémie aiguë d’origine artérielle, les limites entre l’intestin ischémié et sain ne sont pas nettes.

Ischémie intestinale aiguë. Image001
Fig. n°1 : Infarctus d’origine artérielle. Stade irréversible.
Vue peropératoire.

3- Dans les ischémies sans lésions vasculaires : l’aspect est variable. La nécrose s’arrête au bord mésentérique, la paroi est mince, grise ou plus congestive. Les lésions sont soit continues soit plus souvent en îlots laissant entre eux des zones apparemment plus saines.
Enfin, il faut savoir que quelque soit l’origine de l’atteinte la nécrose muqueuse dépasse de loin la nécrose visible.

Ischémie intestinale aiguë. Image002
Figure n°2 : Infarctus intestinal (jéjuno-iléon) stade irréversible.
Vue peropératoire.


VI- Physiopathologie et évolution des lésions:

Elles conditionnent le déroulement de la clinique ainsi que l’évolution.

Le territoire vasculaire viscéral abdominal représente 30% du volume sanguin circulant total. Il reçoit environs un quart du débit cardiaque dont 75% sont distribués aux seuls segments digestifs. La muqueuse digestive représente plus de 50% de la masse de cet organe et elle reçoit la majorité du flux sanguin intestinal dans un réseau complexe offrant des capacités de résistance à l’ischémie. Les principales composantes vasculaires de l’intestin sont :
- Le réseau extrapariétal, correspondant aux branches à destinée intestinale issues du tronc coeliaque, des artères mésentériques et leurs anastomoses.
-Le réseau pariétal, formé par la distribution des branches des vaisseaux droits qui créent par leurs anastomoses un réseau en damier.
-Le réseau villositaire, développé à partir d’artérioles issues du plexus vasculaire pariétal qui vont irriguer deux réseaux capillaires, l’un à la base des villosités, l’autre dans les zones apicales. Expérimentalement, le flux de l’AMS peut être réduit de 75% pendant 12 heures sans lésions intestinales car 20% seulement des capillaires sont ouverts en même temps à l’état normal et il existe de très importantes capacités de vicariance.
- En cas d’occlusion artérielle, les collatérales s’ouvrent immédiatement. L’augmentation du débit dans la circulation collatérale persiste aussi longtemps que la pression dans le lit d’aval reste plus basse que la pression systémique. Dès que ce mécanisme de compensation est dépassé, les lésions d’ischémie se développent dans les différentes tuniques, mais avec une cinétique différente :
-Au niveau de la muqueuse et la sous-muqueuse, les atteintes sont rapides. La souffrance de ces 2 tuniques fait en sorte que les bactéries et leurs toxines passent dans le système porte. Ce phénomène de translocation peut être vu dès la 30ème minute de l’anoxie totale.
-Au niveau de la musculeuse, les cellules sont moins sensibles à l’anoxie et ne perdent pas toute de suite leur intégrité morphologique. Elles perdent en revanche rapidement leurs fonctions de contractilité et le péristaltisme n’est plus assuré au niveau du segment ischémié. Il apparaît ainsi une stagnation du bolus, puis une distension liquidienne progressive. La distension intestinale favorise la pullulation microbienne génératrice d’une quantité importante de gaz qui se conjugue à l’altération de la muqueuse pour provoquer l’apparition de la pneumatose intestinale (dissection gazeuse pariétale), puis de l’aéromésentérie et l’aéroportie.
-Lorsque l’origine de l’ischémie est non obstructive par bas débit, l’atteinte est transmurale et rapide, c’est l’infarctus transmural. La paroi intestinale est amincie en raison de la destruction rapide des couches superficielles qui mettent à nu la musculeuse. Le mésentère avoisinant est le siège d’une infiltration hémorragique en raison de l’hyperperméabilité capillaire provoquée par l’ischémie. La longueur de l’intestin est variable et l’atteinte peut être multifocale. Le plus souvent, en particulier lorsque le mécanisme est un bas débit chez un sujet âgé athéromateux, tout le territoire correspondant aux branches de l’AMS est atteint. On assiste à une vasoconstriction splanchnique avec hypertension portale réactionnelle. Ici, il faut insister sur les troubles de la microcirculation qui peuvent être influencés par de nombreux facteurs. Parmi les neurotransmetteurs, les substances alpha-adrénergiques, la vasopressine et la dopamine

sont vasoconstricteurs et peuvent avoir un effet défavorable en cas d’ischémie intestinale. Les substances béta-mimétiques et les prostaglandines E ont un effet dilatateur.

-Lorsque l’atteinte est de type sub-aiguë (IASA), la souffrance intéresse la muqueuse et la sous-muqueuse et la musculeuse est épargnée. L’intestin est de couleur rouge sombre car sa lumière est le siège d’une distension hémorragique. La séreuse est intacte elle aussi. On retrouve les mêmes étiologies que pour l’ischémie aiguë, mais se sont surtout les ischémies par bas débit qui sont pourvoyeuses de telles lésions sub-aiguës. Le purpura rhumatoïde est une cause fréquente dans ce cadre.

-Lorsque l’atteinte est due à une thrombose mésentérico-portale, c’est pratiquement l’opposé de l’ischémie d’origine artérielle, à l’exception d’un intestin noir bordé d’un mésentère siège d’un infiltrat hémorragique. La thrombose veineuse est un phénomène progressif qui se complète en raison du caractère extensif du thrombus dans un réseau d’aval hypoperfusé. Les lésions obstructives sont toujours étendues obstruant des convergences vasculaires et empêchant le développement de réseaux vicariants. La conséquence en est une élévation importante de la pression au niveau des veinules pariétales puis des capillaires. Cette congestion passive aboutit à l’extravasation des éléments figurés du sang qui va intéresser tout le territoire normalement drainé par les veines thrombosées. D’où le caractère toujours très étendu et homogène de cet « infarcissement » par apport au caractère souvent limité des IAA. Le 2eme trait caractéristique est l’épaisseur considérable de la paroi de l’intestin par un œdème hémorragique muqueux et surtout sous-muqueux, témoin de la congestion passive. Le 3eme élément caractéristique est l’existence d’un épanchement péritonéal massif, souvent hémorragique. Enfin, l’ischémie d’origine veineuse présente des frontières souvent peu nettes à l’opposé de celles de l’IAA.
L’évolution de l’ischémie intestinale d’origine veineuse est la suivante :
Dans certains cas, l’infiltration hématique majeure de la sous-muqueuse peut-être à l’origine d’une nécrose secondaire des couches superficielles de l’intestin et l’aspect peut devenir proche de celui de l’IAA imposant une résection intestinale devant le risque perforatif. Cette éventualité représente 5% des cas.
Dans d’autres cas, les lésions intestino-mésentériques régressent en raison de la lyse progressive de l’obstacle veineux. On peut observer une régression totale avec restitution ad-integrum de l’axe veineux. Cette hypothèse favorable est la plus fréquente (70%).
Dans 5 à 10% des cas les lésions intestino-mésentériques régressent mais laissent place à un cavernome portal et dans 5 à 10% des cas aussi l’évolution se fait comme pour l’IASA vers la sténose fibreuse.
Sur un autre plan, l’ischémie intestinale va rapidement s’accompagner de troubles cardiovasculaires pour lesquels on incrimine plusieurs facteurs, comme la rupture de la barrière intestinale qui va entraîner une fuite de liquide intracellulaire, véritable entéropathie exsudative aiguë responsable de choc hypovolémique, d’acidose et d’hyperkaliémie. On note aussi une réabsorption de produits toxiques, de passage de germes dans la circulation générale (bactériémie) avec libération d’endotoxines et enfin la libération d’hydrolases d’origine lysosomiale et certains polypeptides dépresseurs du myocarde (MDF). Ces derniers auraient un effet vasoconstricteur sur la circulation splanchnique et sur la circulation périphérique et une action négative sur la contraction et l’excitabilité myocardique.

VIII- Clinique :

Elle dépend de l’origine (artérielle ou veineuse), du mécanisme (embolie ou thrombose) ainsi que du terrain (insuffisance artérielle chronique, cardiopathie antérieure,…). Il faut toujours se souvenir qu’un syndrome ischémique intestinal n’est pas obligatoirement un tableau très alarmant. Il emprunte à toutes les autres étiologies d’urgences abdominales des signes cliniques (péritonite, occlusion intestinale aiguë, pancréatite aiguë,…) et ceci en complique le diagnostic positif.

A- Les signes fonctionnels :

1- La douleur : elle est au premier plan et prend tous les masques. Elle peut être brusque et intense, progressive et modérée, de siège épigastrique ou diffuse.

2- Les vomissements ou nausées: ils n’ont pas de spécificité bien que relativement constant

3- L’hémorragie digestive : s’extériorisant par voie basse, elle semble évocatrice du diagnostic sans être pathognomonique. Mais, c’est un signe relativement rare.

B- Les signes généraux :

1- La température : en général normale, lorsqu’elle existe elle est aux alentours de 38°C. A 39-40°, elle évoque une complication à type de péritonite.

2- L’état général : il dépend beaucoup du terrain et de l’heure où est vu le patient. Relativement conservé chez les sujets jeunes et lors de l’étiologie veineuse alors que l’état général est altéré lors des étiologies artérielles des sujets âgés et cardiaques par exemple.

- La cyanose semble être un signe très évocateur d’ischémie intestinale.

- Une tachycardie et une hypotension (collapsus) sont relativement fréquentes au cours de l’ischémie intestinale bien que non spécifiques.

C- Les signes physiques :

1- Inspection : l’abdomen peut être plat ou ballonné mais respire relativement bien.

2- Percussion : une matité des flancs est un signe évocateur. Il signe l’épanchement intrapéritonéal surtout lors d’ischémie d’origine veineuse. Un tympanisme peut lui aussi être retrouvé.

3- Auscultation : un silence auscultatoire signant l’iléus intestinal(souffrance) est un signe classique au cours de cette pathologie.

4- Palpation : c’est un temps très important, mais on peut percevoir juste une douleur provoquée ou une sensibilité diffuse de l’abdomen. La perception par l’examinateur d’une défense ou d’une contracture est d’une grande importance mais malheureusement n’est pas la règle.

Le toucher rectal : l’ampoule rectale est vide avec possibilité de retirer un doigtier souillé de sang.

En résumé, l’ischémie intestinale se manifeste par des signes non spécifiques qui vont faire errer le diagnostic positif. Devant cette situation, le terrain (vasculaire, cardiaque, chirurgie, …) doit faire évoquer le diagnostic.
Devant ces patients, il est impératif de suspecter le diagnostic et certains éléments d’interrogatoire peuvent orienter le clinicien :
- Antécédents d’embolie artérielle des membres ou d’accident vasculaire cérébral.
- Antécédents d’insuffisance artérielle digestive (angor abdominal)
- Antécédents de thrombophlébites des membres personnels ou chez les membres de la famille.
- Prise de médicaments (Digitaline,…)
- Troubles du rythme cardiaque connu et traité (ACFA,….).
- Patients hospitalisés en USI après chirurgie avec état hémodynamique instable,….

VIII- Examens complémentaires :

A- Les examens morphologiques :
1- Le télé-thorax : il n’a aucun apport au diagnostic positif.

2- L’abdomen sans préparation : lui aussi il n’a pas d’apport dans le diagnostic positif mais permet d’affirmer une péritonite par perforation ou d’une occlusion dans le cadre du diagnostic différentiel en montrant un pneumopéritoine ou des niveaux hydroaériques. Dans certains cas, on peut noter des images d’aéroportie, des images d’épaississement segmentaire des parois d’anses jéjunales avec aspect empâté et figé de valvules conniventes hypertrophiées par l’œdème hémorragique sont notées dans l’ischémie d’origine veineuse. En fait le signe qui semble le plus intéressant est la grisaille diffuse.

3- La tomodensitométrie : elle représente un apport indéniable et c’est cet examen qui permet actuellement de faire le plus rapidement le diagnostic positif d’ischémie intestinale, de préciser le stade de cette dernière (ischémie ou infarctus constitué), de juger de son importance (longueur d’intestin intéressé) et bien sur la cause de l’ischémie (artérielle ou veineuse). Il permet de suivre les patients sous traitement médical. Techniquement, le radiologue doit obtenir un temps précoce artériel, un temps plus retardé ou intestinal et un temps de retour veineux. La tomodensitométrie est réalisée avant et après injection de produit de contraste. Les reconstructions avec obtention d’images vasculaires et même d’images reconstruites en 3 plans permettent d’avoir une idée sur l’arborisation des différents troncs et des lésions en cause.

a- Images au cours de l’ischémie intestinale aiguë d’origine artérielle (IAA) : les images des parois intestinales et celle du mésentère avoisinant sont plus importants que les signes directs de l’AMS et ses branches.

- Image de la paroi intestinale :
- Avant injection : une paroi amincie avec parfois une hyperdensité spontanée donnant lieu à des images annulaires minces noyées dans une atmosphère uniformément liquidienne (ces images sont dues à l’infiltration hématique de la musculeuse).
- Après injection : les images des anses grêles en distension liquidienne se différencient mal des structures péritonéales adjacentes en raison de l’infiltration hématique de ces dernières qui leur confèrent une densité hydrique. Elles ne prennent pas le contraste comme les anses saines. Cet aspect est celui de la paroi virtuelle. C’est le signe typique de l’IAA. Il est important de juger de l’importance de la longueur de l’atteinte intestinale (massive ou courte).

-Image au niveau du tronc de l’AMS et/ses branches: avant injection et dans environs 25% des cas, on met en évidence l’imagehyperdense du caillot au niveau de l’AMS. Après injection, on note un défaut de rehaussement endoluminal en général segmentaire. En cas de thrombose, il est associé à des calcifications de la paroi de l’AMS et l’atteinte est juxta-ostiale ou proximale alors qu’en casd’embolie l’obstruction est plus longue et épargne la région proximale. Ces signes directs très spécifiques ne sont retrouvés que dans 40% des cas environs.

-Images de calcifications athéromateuses vasculaires diffuses sur l’aorte et ses branches (en particulier sur le tronc de l’AMS).

-Images d’aéroportie intra-hépatique, d’aéromésentérie au niveau du tronc de la veine mésentérique supérieure (VMS) et plus encore des branches mésentériques sont des arguments majeurs pour une nécrose ischémique. On peut mettre en évidence un niveau iode-gazau niveau de la VMS.

- Image de pneumatose intestinale (air dans l’épaisseur de la paroi intestinale)

Il faut savoir que les images d’aéroportie ou d’aéromésentérie sont relativement tardives et il ne faut pas les attendre pour porter le diagnostic.

-Image d’un contenu granuleux hétérogène (il correspond à la présence de caillots dans l’anse). Une anse intestinale même courte et remplie d’un contenu « granité » est très évocatrice de IAA.

b-Les images de l’ischémie artérielle sub-aiguë (IASA) :

- Avant injection : les images des parois intestinales : image d’un segment intestinal plus ou moins long siège d’un épaississement pariétal circonférentiel et modéré et d’épaisseur régulière (5 à 10mm). Cet épaississement correspond à un œdème plus ou moins épais du chorion de la muqueuse et surtout de la sous-muqueuse.
- Après injection : on obtient l’image en « stratification pariétale »par rehaussement «en cible» (délai suffisant de 50 à 70secondes). Ces images ne sont pas spécifiques et peuvent être rencontrées au cours des atteintes inflammatoires, infectieuses ou être en rapport avec un œdème congestif. Il est très important de juger de la topographie des lésions. Des images disséminées à tout le grêle sont en faveur d’une maladie systémique (par exemple le purpura rhumatoïde).Des images localisées à une région chez un sujet âgé sont en faveur d’une athérosclérose alors que chez un sujet jeune, elles orientent vers une étiologie infectieuse. Enfin, s’il existe une masse mésentérique, avec contours spiculés, une rétraction du mésentère avec aspect dilaté monoliforme des vaisseaux une tumeur carcinoïde devra être évoquée.
Ischémie intestinale aiguë. Image003
Fig. n°3 : Ischémie intestinale sub-aiguë.

3- Les images d’ischémie veineuse :
-Les images au niveau de l’intestin :
- Avant injection : on note des images d’épaississement circonférentiel et régulier des parois intestinales étendu et important. Cet épaississement est de l’ordre de 15 à 20mm. Unépanchement péritonéal hémorragique est constant.
- Après injection : on note un rehaussement « en cible » avec réduction du diamètre de la lumière.

-Les images au niveau des vaisseaux :
Avant injection : il y a un défaut rehaussement de la lumière vasculaire et un épaississement pariétal avec rehaussement marqué et persistant avec flous des contours. Le suivi tomodensitométrique est primordial à la recherche d’un amincissement témoin d’un infarcissement.
Après injection : on note le défect intraluminal cerné par le produit iodé signant la thrombose.

4- Les images de l’ischémie sans lésions vasculaires : elles sont obtenues après injection (angioscanner) qui montrent un rétrécissement régulier (spasme) de l’axe vasculaire sans images d’embole ou de thrombose. Ces images sont accompagnées selon le stade d’ischémie par les différentes images de souffrance intestinale au niveau des parois. Les mêmes images de spasme vasculaire peuvent être retrouvées au cours de l’ischémie d’origine veineuse comme réaction à cette dernière.

Ischémie intestinale aiguë. Image004
Fig. n°4 : Image typique d’une thrombose mésentérico-portale.
Images tomodensitométriques.
5- Echographie transcutanée : elle ne représente pas un bon examen pour le diagnostic positif. Mais certaines images sont retrouvées comme l’épaississement pariétal des anses digestives et l’épanchement péritonéal.

6- L’échographie couplée au doppler : elle peut permettre de confirmer le diagnostic de thrombose tronculaire de l’AMS. Mais elle n’a aucun apport en ce qui concerne l’état intestinal.

7- L’artériographie : longtemps seul examen permettant le diagnostic, elle a perdu toute son importance depuis l’introduction de la tomodensitométrie. Mais dans certains cas, elle permet le diagnostic positif et l’étude du réseau vasculaire tant artériel que veineux.

Ischémie intestinale aiguë. Image005
Fig. n°5 : Thrombose extensive mésentérico-portale.
Images tomodensitométriques.

8- L’IRM : examen nouvellement venu dans l’arsenal des examens paracliniques, il permet de mettre en évidence un épaississement circonférentiel oedémateux sous-muqueux. L’injection de Gadolinium permet de fournir d’excellentes images frontales du réseau artériel mésentérique. Cet examen est probablement une méthode d’avenir pour l’exploration notamment de l’IASA.

B- Les examens biologiques : ils n’ont pas d’apport dans le diagnostic positif pour la majorité d’entres eux, mais donnent une idée sur les déséquilibres induits par l’ischémie. Mais il semble que pour certains (Phosphorémie,.. ) un apport diagnostique puisse exister.

- La phosphorémie : typiquement, elle est élevée au cours de l’ischémie intestinale. C’est un signe biologique sensible et spécifique.
Les phosphatases alcalines, les CPK (surtout les fractions CPKMB et CPKBB) sont élevées aussi.

- FNS : elle retrouve une hyperleucocytose à polynucléaire neutrophile ou une anémie.
Urée et créatinine sanguine : une augmentation peut exister parallèlement à la déshydratation au début comme elle peut compliquer la situation en signant une insuffisance rénale organique.
Ionogramme sanguin :
Gazs du sang : une acidose métabolique est classique au cours de l’ischémie intestinale.
Une augmentation de l’amylasémie n’est pas rare.
Bilan de la crase sanguine : TP, TH TCK.

Ischémie intestinale aiguë. Image006
Fig. n°6 : Ischémie intestinale d’origine veineuse.

Il est très important en cas de suspicion de cause veineuse de faire les prélèvements sanguins qui permettent d’engager la recherche étiologique (protéine C, S, …) avant d’engager une thérapeutique médicale.

Ischémie intestinale aiguë. Image007
Fig. n°7 : Images typiques de l’ischémie intestinale d’origine veineuse. Images tomodensitométriques.
Ischémie intestinale aiguë. Image008
Fig. n° 8: Infarctus intestinal avec images de pneumatose et aéromésentérie.

Ischémie intestinale aiguë. Image009
Fig. n°9 : Ischémie intestinale d’origine artérielle par emboles.
Images angiographiques.

X- Les formes cliniques :

A- La forme artérielle par embolie : elle se voit chez des patients avec cardiopathies emboligènes comme l’arythmie par fibrillation auriculaire ou les autres troubles du rythme cardiaque. Le tableau clinique peut être très déroutant mais devant ces patients la perception d’un trouble du rythme (pouls irrégulier), un antécédent d’ischémie des membres ou un accident vasculaire cérébral doit faire alerter le clinicien. L’équation suivante est très évocatrice d’une ischémie intestinale d’origine artérielle :

+ Pouls irrégulier
+ Douleurs abdominales aiguës
+ Abdomen sensible à la palpation

B- La forme artérielle par thrombose : dans ce cas le patient présente dans les antécédents un tableau clinique évocateur ou déjà connu d’athérosclérose avec douleurs abdominales chroniques signant l’insuffisance vasculaire.

C- La forme d’origine veineuse : de la même manière, si le tableau est déroutant, il est de la plus haute importance d’évoquer ce diagnostic lorsqu’il existe une notion de thrombophlébite chez un parent du patient ou chez ce dernier. Il faut savoir que le tableau d’ischémie intestinale d’origine veineuse peut être inaugural. Le début est progressif. Les douleurs augmentent progressivement, s’accompagnent d’anorexie, de nausées ou de vomissements pour devenir constantes par la suite. L’examen retrouve un météorisme, avec une douleur provoquée et parfois une défense. On perçoit parfois la sensation de masse abdominale, fixée et molle. Le TR peut ramener un peu de sang. Ce tableau contraste avec un état général encore conservé. Dans cette situation une notion de maladie de Vaquez, d’antécédents de phlébite et d’un syndrome infectieux récent oriente le diagnostic

D- La forme avec réseau vasculaire artérielle et veineux normal : c’est une forme possible. L’exemple typique est le purpura rhumatoïde.

E- La forme associée à une ischémie d’un autre viscère ou d’un membre.

F- Les formes postopératoires : il est indéniable que ces formes restent de diagnostic très difficile et posent le problème de leur reconnaissance parmi toutes les autres étiologies (péritonite aiguë, pancréatite aiguë et cholécystite aiguë postopératoires….). Pour en faire le diagnostic, il est impératif de les évoquer devant un tableau fait de signes généraux surtout cardiovasculaires. Ici plus qu’ailleurs le rôle de la TDM est prépondérant.


XI- Le diagnostic positif :

Pour l’AURC et l’ARC, il existe 4 signes cliniques et paracliniques très évocateurs d’infarctus intestinal (signes fréquents et évocateurs) à savoir : une arythmie récente, une hypotension, une aspiration gastrique faite de liquide fécaloïde et une grisaille diffuse à l’ASP. Par contre, l’absence des 4 signes suivants fait remettre en cause le diagnostic d’infarctus : arrêt des matières, silence abdominal, amylase normale et niveaux hydroaériques sur le grêle.
En fait, Il est important aujourd’hui de demander une tomodensitométrie très précocement chaque fois que le diagnostic est douteux.



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Ischémie intestinale aiguë. Empty Re: Ischémie intestinale aiguë.

Post by nour elhouda Thu 27 Sep - 4:18

Excellent partage,merci tedles Smile .
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