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la saga de l'helicobacter

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Post by ben mouhammed Mon 14 May - 22:14

La saga de l’Helicobacter

Publié le 12/05/2012

Le 11 juin 1979, Robin Warren, dans son laboratoire de Perth (Australie) examine une biopsie de muqueuse gastrique, prélevée au cours d’une fibroscopie (les prélèvements réalisés post-mortem ou au cours d’une gastrectomie, fixés dans le formol, ne permettaient pas cette observation). Il remarque une ligne bleue dont le grossissement, en utilisant le kit de coloration argentique de Warthin-Starry, révèle une multitude de petits bacilles adhérant intimement à l’épithélium.
En juillet 1981, Barry Marshall, résident en gastroentérologie, vient seconder Warren dans ses recherches. A propos d’un de ses patients étiqueté « gastrite antrale nodulaire», Marshall avait été contraint de remettre en question la notion classique de stérilité du milieu gastrique et d’accepter l’idée que la bactérie observée fût pathogène. Tous deux avaient constaté la ressemblance entre la nouvelle bactérie et le Campylobacter jejuni, rendu responsable de nombreux cas d’intoxication alimentaire. Les 25 malades de la série de Warren, porteurs de la bactérie, avaient des diagnostics de gastrite, ulcères, ou exulcérations.
Une heureuse conjoncture…pascale
Les tentatives de culture (en cas de négativité, on jetait les boîtes au bout de 48 h) échouèrent jusqu’à ce que survînt un incident fortuit : le congé de Pâques 1982. En effet, à cette occasion, une biopsie gastrique « oubliée » resta dans l’incubateur du 8 au 13 avril, et le technicien qui l’examina eut la surprise d’y découvrir des colonies du bacille jusqu’ici cultivé en vain. Le protocole fut modifié en conséquence et les cultures conservées 4 jours.
Mais la communication présentée à la société de Gastro-entérologie de Perth en 1983 ne fut pas retenue, ce qui poussa Marshall à contacter de préférence les sociétés de microbiologie.
S’ensuivit une publication dans le Lancet en 1983, où les auteurs évoquaient la possibilité que la bactérie hélicoïdale et flagellée fût une espèce nouvelle, potentiellement impliquée dans la pathogénie des ulcères, voire du cancer gastrique.
En 1984, les germes isolés par culture se révélèrent sensibles à de nombreux antibiotiques et aux imidazoles, ce qui fit envisager la possibilité d’un traitement anti-infectieux de l’ulcère gastroduodénal.
La communauté scientifique se montra cependant très dubitative, et les meilleures plumes firent observer aux auteurs avec ironie que « le rôle pathogène de la bactérie n’était en aucune façon démontré et qu’il était vraisemblable qu’elle ne se trouvât présente que parce que l’estomac, abîmé par la gastrite, lui offrait un excellent milieu d’accueil ».
Où le chercheur donne de sa personne
Devant ce scepticisme, Marshall résolut de « donner de sa personne » ; il se fit faire une 1ère fibroscopie avec biopsies gastriques et duodénales, qui furent normales. Un mois plus tard, après avoir pris de la cimétidine pour créer une achlorhydrie, il ingéra une colonie de 109 germes provenant d’une biopsie d’estomac malade. Huit jours plus tard, il se réveilla en vomissant un liquide sans goût acide et ses collègues lui signifièrent que son haleine était fétide. Une 2ème fibroscopie fut pratiquée ; la muqueuse était en apparence normale, mais friable lors des biopsies. Celles de l’antre révélèrent la présence du germe. Marshal prit alors du tinidazole, qui fit disparaître tous les symptômes, et subit une 3ème fibroscopie 4 jours plus tard, qui s’avéra à nouveau normale.
Restait à trouver un nom à ce microorganisme, ce qui donna lieu à des discussions entre spécialistes de la taxinomie (science qui a pour objet de décrire et regrouper les organismes vivants).Après plusieurs tâtonnements, le nom d’Helicobacter pylori (HP) fut retenu par les départements de microbiologie et de microscopie électronique de l’hôpital royal de Perth en 1989, au motif que ce « nom avait une consonance euphonique et rappelait celui du Campylobacter. »
Auparavant, en collaboration avec Marshall et Warren, l’équipe de Stewart Goodwin avait développé une technique de dosage immunoenzymatique sur support solide (test Elisa pour enzyme linked immunosorbent assay) permettant de détecter les anticorps spécifiques du germe, test ayant une spécificité de 97 % et une sensibilité de 81 % et valable aussi bien pour une exposition ancienne que récente. Plus tard, Marshall et Ivor Surveyor développèrent le test respiratoire à l’urée, consistant à faire absorber au patient de l’urée [CO(NH2)2] dont le C a été marqué, puis à rechercher la présence ou l’absence de l’isotope dans l’air expiré, selon que l’uréase émise par HP l’a hydrolysée ou non. Ce test est fiable à 98 %, il est non agressif, et permet le dépistage de l’HP dans la totalité de l’estomac. Il est utilisable à la fois pour le dépistage et pour le contrôle de l’efficacité du traitement, et Marshall insiste sur son innocuité, son faible coût, et sa grande précision.
L’avènement du traitement anti-infectieux de l’ulcère
Marshall, Goodwin et Warren démontrèrent en 1988 par une étude randomisée sur des sujets porteurs à la fois d’ulcère duodénal et de HP, que le taux maximum de guérison (70 %) se rencontrait chez les sujets traités à la fois par cimétidine, sous-nitrate de Bismuth et tinidazole (en comparaison avec ceux qui ne prenaient qu’un ou deux de ces composants). Le taux de guérisons et de non-récidives augmentait si on associait un antibiotique.
Au cours des années suivantes, de multiples essais internationaux comparèrent l’efficacité de traitements divers, tant pour la cure des ulcères que pour en éviter la récidive après éradication d’HP. Ces recherches culminèrent en 1994 avec la publication du consensus des Instituts de Santé, (va|idé par 43 centres répartis dans le monde) déclarant que « les malades atteints d’ulcère gastroduodénal et porteurs d’HP devaient être traités par une association d’antiacides et d’antibiotiques, qu’il s’agît d’une première poussée ou d’une récidive ». Les études ultérieures démontrèrent que l’association pendant 7 jours d’oméprazole, d’amoxicilline et de clarithromycine entraînait plus de 90 % de guérisons, et qu’en cas d’échec, la clarithromycine pouvait être remplacée par le métronidazole.
La célébration en 1998 du centenaire de la naissance du prix Nobel australien décerné en 1945 à Sir Howard Florey (co-découvreur, avec sir Alexander Fleming et Ernst Chain de la pénicilline) fut l’occasion d’une campagne lancée en Australie à l’initiative de l’Institut de Politique et des Sciences, à la gloire de Warren et Marshall. Cette campagne fut dénommée « Les Hauts pavots », en référence à une anecdote rapportée par Tite-Live (1) ; celui-ci nous conte que le fils cadet de Tarquin le Superbe, Tarquinius Sextus (celui-là même qui violera la vertueuse Lucrèce) avait feint de fuir les cruautés de son père en se réfugiant à Gabies ; ayant envoyé un émissaire à son père pour lui demander comment faire pour se rendre maître de la ville qui l’avait si bien accueilli, ce dernier n’avait pas répondu, mais avait coupé la tête des plus hauts pavots du jardin, signifiant par là à son fils qu’il devait décimer les citoyens les plus éminents de Gabies. Les hauts pavots signifient donc l’élite suprême (le haut du pavé) et cette dénomination (assortie d’un prix de 25000 $) est devenue une métaphore de l’excellence et de l’effort, qui font la fierté des Australiens, et qui s’incarnent si « superbement » dans les personnalités de Warren et Marshall. Unge a même pronostiqué : « la maladie ulcéreuse disparaîtra, mais le souvenir de ceux qui l’ont éradiquée survivra ».
Haut du pavé et prix Nobel
Entre 1990 et 1998, d’autres travaux ont démontré le lien entre HP et notamment le cancer gastrique de type intestinal, qui ne se développerait que sur des estomacs préalablement infectés par HP, mais aussi les lymphomes de type MALT, (mucosa associated lymphoid tissue), c’est à dire développés aux dépens de tissu lymphoïde associé aux muqueuses ; plus de 80 % de ces tumeurs guérissent si l’on parvient à éradiquer HP.
Enfin, consécration suprême du parcours de ces deux brillantissimes chercheurs, le 10 décembre 2005, le prix Nobel de physiologie ou de médecine (2) leur fut remis par le roi de Suède Charles XVI Gustave, accompagné (le prix) par une médaille, un diplôme, et 10 millions de couronnes suédoises (1,5 million de dollars).

1) De Viris illustribus Urbis Romae, I, 54, 6 : « ibique inambulans, sequente nuncio, altissima papaverum capita baculo decussit » ; se promenant là (dans le jardin), suivi par l’envoyé de son fils, il (Tarquin le Superbe) frappa la tête des plus hauts pavots de son bâton. Il est à noter que, si inambulans n’a aucune connotation médicale, baculus et son diminutif bacillus sont à l’origine de « bacille » (en forme de bâtonnet) et d’ « imbécile », (qui n’a point de bâton pour se défendre), la faiblesse s’étendant à l’esprit.
2) De Viris illustribus Urbis Romae, I, 54, 6 : « ibique inambulans, sequente nuncio, altissima papaverum capita baculo decussit » ; se promenant là (dans le jardin), suivi par l’envoyé de son fils, il (Tarquin le Superbe) frappa la tête des plus hauts pavots de son bâton. Il est à noter que, si inambulans n’a aucune connotation médicale, baculus et son diminutif bacillus sont à l’origine de « bacille » (en forme de bâtonnet) et d’ « imbécile », (qui n’a point de bâton pour se défendre), la faiblesse s’étendant à l’esprit.



Dr Jean-Fred Warlin


Copeland CE et Stahlfeld K : Two Tall Poppies and the discovery of Helicobacter Pylori. J Am Coll Surg., 2012; 214: 237-241.
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Post by sarihamid Thu 16 May - 19:47



Merci ben sunny
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Post by nour elhouda Fri 17 May - 23:38

Excellent partage,merci Smile .
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