Nutrigénomique : appel à la prudence !
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Nutrigénomique : appel à la prudence !
Nutrigénomique : appel à la prudence !
En quelques clics, vous pouvez obtenir auprès de la firme américaine Dnadiet, pour la somme de 150 dollars, une synthèse de votre profil nutrigénomique et une liste personnalisée d'aliments que vous devriez consommer. Cette entreprise, basée en Californie, affirme s'appuyer sur les plus récentes découvertes en nutrition et en génétique. Si vos parents ou vous-même avez souffert de maladies cardiovasculaires, d'ostéoporose, de diabète de type 2 ou de cancer, vous avez intérêt à connaitre votre « identité moléculaire »
Ce genre d'approche, de plus en plus courant, est dénoncé par les chercheurs Béatrice Godard et Thierry Hurlimann (programmes de bioéthique), qui viennent de publier les premières réflexions suscitées par une vaste recherche lancée en 2008 sur l'éthique des sciences dites « omiques » et, en particulier, la pharmacogénomique, la nutrigénomique et l'agrigénomique. « La nutrigénomique n'en est qu'à ses balbutiements, fait observer M. Hurlimann en entrevue à Forum. Si le concept est scientifiquement solide, il y a actuellement très peu d'exemples qui nous permettent d'expliquer clairement et de manière scientifiquement valide les liens entre le génotype, l'apparition de maladies multifactorielles et la nutrition. »
Béatrice Godard poursuit: « Les chercheurs que nous rencontrons mettent en garde la population contre les entreprises commerciales qui offrent des solutions miracles. Ils l'affirment clairement: nous n'en sommes pas encore là. »
Dans ses travaux, le groupe de recherche OMICS-ETHICS a examiné plus de 200 articles scientifiques et il n'a rien trouvé permettant de déclarer qu'un aliment consommé régulièrement aurait un effet curatif sur telle ou telle affection. « En ce moment, nous observons un fossé énorme entre l'offre commerciale et la prudence des chercheurs. Ceux-ci répètent que l'analyse de leurs résultats doit être nuancée et appuyée par des études supplémentaires... », souligne Mme Godard.
Pourtant, des sites comme Dnadiet prétendent pouvoir établir ce qu'un individu devrait manger ou éviter de manger pour prévenir l'apparition d'affections chroniques telles que le cancer, le diabète ou les maladies cardiovasculaires.
Science et éthique
Le séquençage complet du génome humain a donné lieu à un grand nombre d'études partout en Occident. Ainsi, on sait que, sur les quelque 25 000 gènes humains, environ 600 joueraient un rôle dans la métabolisation des graisses.
Science sœur de la pharmacogénomique, la nutrigénomique étudie les interactions entre le génome et l'alimentation, ainsi que l'influence de ces interactions sur la manière dont les individus ou les populations réagissent aux aliments, sur leurs prédispositions à souffrir de certaines maladies et sur leur état de santé, comme on peut le lire sur le site du groupe de recherche. « Au-delà d'une compréhension générale des mécanismes moléculaires en jeu dans la nutrition et la santé, la recherche en nutrigénomique a tendance à se concentrer sur les outils diagnostiques et les connaissances qui pourraient être utilisés par des groupes entiers de la population ou des individus pour adapter (ou « personnaliser ») leur régime alimentaire de façon à prévenir l'apparition de maladies et promouvoir leur bien-être. »
Alors que la pharmacogénomique cible certaines populations et a donné lieu à de multiples recherches cliniques, la nutrigénomique a devant elle un marché presque illimité de gens malades... mais aussi en parfaite santé. Les entreprises qui occupent ce terrain proposent en effet aux individus de consommer leurs produits à des fins préventives. Les vitamines et nutriments qu'on leur prescrira leur garantiraient même la santé, voire la vitalité et la longévité...
En 2006, rapporte Thierry Hurlimann, un comité spécial du Sénat américain s'est penché sur la vente directe de tests nutrigénétiques. Il a déploré l'absence de conseils avisés au consommateur et d'agrément de certains laboratoires, les risques d'erreur dans les résultats d'analyse et surtout l'absence de preuves scientifiques quant à la validité des tests offerts. Le comité a aussi insisté sur la portée douteuse, voire dangereuse pour la santé, de recommandations nutritionnelles formulées sur la base des résultats génétiques personnels des clients, particulièrement lorsque ces recommandations incitaient les clients à acheter des suppléments alimentaires, onéreux et même potentiellement dangereux.
Cela dit, les éthiciens sont conscients des bienfaits de cette science qui, si elle est bien utilisée, pourrait offrir de nouveaux outils de prévention globale relativement à un grand nombre de maladies. « La nutrigénomique peut contribuer à une reconnaissance scientifique explicite et plus complète des effets de la malnutrition et de la sous-alimentation sur les populations des pays en voie de développement, mais aussi sur les personnes issues des milieux les plus défavorisés dans les pays développés », écrivent-ils.
Les vrais perdants
Les chercheurs du Département de médecine sociale et préventive de l'Université de Montréal, qui ont obtenu d'importantes subventions des Instituts de recherche en santé du Canada et du Fonds de la recherche en santé du Québec, pensent qu'il ne faut pas soustraire la nutrigénomique à un examen éthique rigoureux.
Ainsi, dans un article paru dans Current Pharmacogenomics and Personalized Medicine (vol. 7, no 3, 2009), ils signalent que « l'approche essentiellement commerciale, axée sur les individus, est loin de favoriser la santé globale, la justice sociale et l'équité ».
D'ailleurs, ce serait là un des talons d'Achille de la nutrigénomique : on l'imagine mal servir les pays en développement. Cette nouvelle science « ne permettra jamais de subvenir aux besoins urgents et fondamentaux en nutrition », estiment-ils en conclusion.
Toutefois, les auteurs précisent que la nutrigénomique est susceptible de démontrer à quel point les besoins nutritionnels non comblés dans les pays pauvres pourraient porter atteinte à l'intégrité du génome humain « pour des populations entières et leurs descendants ».
En d'autres termes, pendant qu'une partie du monde rechercherait la santé par des aliments déterminés selon leurs besoins particuliers dans les marchés d'alimentation, l'autre continuerait de crier famine.
Source : Université de Montréal
En quelques clics, vous pouvez obtenir auprès de la firme américaine Dnadiet, pour la somme de 150 dollars, une synthèse de votre profil nutrigénomique et une liste personnalisée d'aliments que vous devriez consommer. Cette entreprise, basée en Californie, affirme s'appuyer sur les plus récentes découvertes en nutrition et en génétique. Si vos parents ou vous-même avez souffert de maladies cardiovasculaires, d'ostéoporose, de diabète de type 2 ou de cancer, vous avez intérêt à connaitre votre « identité moléculaire »
Ce genre d'approche, de plus en plus courant, est dénoncé par les chercheurs Béatrice Godard et Thierry Hurlimann (programmes de bioéthique), qui viennent de publier les premières réflexions suscitées par une vaste recherche lancée en 2008 sur l'éthique des sciences dites « omiques » et, en particulier, la pharmacogénomique, la nutrigénomique et l'agrigénomique. « La nutrigénomique n'en est qu'à ses balbutiements, fait observer M. Hurlimann en entrevue à Forum. Si le concept est scientifiquement solide, il y a actuellement très peu d'exemples qui nous permettent d'expliquer clairement et de manière scientifiquement valide les liens entre le génotype, l'apparition de maladies multifactorielles et la nutrition. »
Béatrice Godard poursuit: « Les chercheurs que nous rencontrons mettent en garde la population contre les entreprises commerciales qui offrent des solutions miracles. Ils l'affirment clairement: nous n'en sommes pas encore là. »
Dans ses travaux, le groupe de recherche OMICS-ETHICS a examiné plus de 200 articles scientifiques et il n'a rien trouvé permettant de déclarer qu'un aliment consommé régulièrement aurait un effet curatif sur telle ou telle affection. « En ce moment, nous observons un fossé énorme entre l'offre commerciale et la prudence des chercheurs. Ceux-ci répètent que l'analyse de leurs résultats doit être nuancée et appuyée par des études supplémentaires... », souligne Mme Godard.
Pourtant, des sites comme Dnadiet prétendent pouvoir établir ce qu'un individu devrait manger ou éviter de manger pour prévenir l'apparition d'affections chroniques telles que le cancer, le diabète ou les maladies cardiovasculaires.
Science et éthique
Le séquençage complet du génome humain a donné lieu à un grand nombre d'études partout en Occident. Ainsi, on sait que, sur les quelque 25 000 gènes humains, environ 600 joueraient un rôle dans la métabolisation des graisses.
Science sœur de la pharmacogénomique, la nutrigénomique étudie les interactions entre le génome et l'alimentation, ainsi que l'influence de ces interactions sur la manière dont les individus ou les populations réagissent aux aliments, sur leurs prédispositions à souffrir de certaines maladies et sur leur état de santé, comme on peut le lire sur le site du groupe de recherche. « Au-delà d'une compréhension générale des mécanismes moléculaires en jeu dans la nutrition et la santé, la recherche en nutrigénomique a tendance à se concentrer sur les outils diagnostiques et les connaissances qui pourraient être utilisés par des groupes entiers de la population ou des individus pour adapter (ou « personnaliser ») leur régime alimentaire de façon à prévenir l'apparition de maladies et promouvoir leur bien-être. »
Alors que la pharmacogénomique cible certaines populations et a donné lieu à de multiples recherches cliniques, la nutrigénomique a devant elle un marché presque illimité de gens malades... mais aussi en parfaite santé. Les entreprises qui occupent ce terrain proposent en effet aux individus de consommer leurs produits à des fins préventives. Les vitamines et nutriments qu'on leur prescrira leur garantiraient même la santé, voire la vitalité et la longévité...
En 2006, rapporte Thierry Hurlimann, un comité spécial du Sénat américain s'est penché sur la vente directe de tests nutrigénétiques. Il a déploré l'absence de conseils avisés au consommateur et d'agrément de certains laboratoires, les risques d'erreur dans les résultats d'analyse et surtout l'absence de preuves scientifiques quant à la validité des tests offerts. Le comité a aussi insisté sur la portée douteuse, voire dangereuse pour la santé, de recommandations nutritionnelles formulées sur la base des résultats génétiques personnels des clients, particulièrement lorsque ces recommandations incitaient les clients à acheter des suppléments alimentaires, onéreux et même potentiellement dangereux.
Cela dit, les éthiciens sont conscients des bienfaits de cette science qui, si elle est bien utilisée, pourrait offrir de nouveaux outils de prévention globale relativement à un grand nombre de maladies. « La nutrigénomique peut contribuer à une reconnaissance scientifique explicite et plus complète des effets de la malnutrition et de la sous-alimentation sur les populations des pays en voie de développement, mais aussi sur les personnes issues des milieux les plus défavorisés dans les pays développés », écrivent-ils.
Les vrais perdants
Les chercheurs du Département de médecine sociale et préventive de l'Université de Montréal, qui ont obtenu d'importantes subventions des Instituts de recherche en santé du Canada et du Fonds de la recherche en santé du Québec, pensent qu'il ne faut pas soustraire la nutrigénomique à un examen éthique rigoureux.
Ainsi, dans un article paru dans Current Pharmacogenomics and Personalized Medicine (vol. 7, no 3, 2009), ils signalent que « l'approche essentiellement commerciale, axée sur les individus, est loin de favoriser la santé globale, la justice sociale et l'équité ».
D'ailleurs, ce serait là un des talons d'Achille de la nutrigénomique : on l'imagine mal servir les pays en développement. Cette nouvelle science « ne permettra jamais de subvenir aux besoins urgents et fondamentaux en nutrition », estiment-ils en conclusion.
Toutefois, les auteurs précisent que la nutrigénomique est susceptible de démontrer à quel point les besoins nutritionnels non comblés dans les pays pauvres pourraient porter atteinte à l'intégrité du génome humain « pour des populations entières et leurs descendants ».
En d'autres termes, pendant qu'une partie du monde rechercherait la santé par des aliments déterminés selon leurs besoins particuliers dans les marchés d'alimentation, l'autre continuerait de crier famine.
Source : Université de Montréal
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