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Brûlures caustiques de l'oesophage

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Post by tedles Wed 14 Dec - 17:32

Brûlures caustiques de l'oesophage
F MOUREY, L MARTIN, L JACOB
Service d'anesthésie-réanimation chirurgicale,
hôpital Saint-Louis, Paris

Points essentiels

· L'ingestion de caustique réalise une urgence diagnostique et thérapeutique qui doit être prise en charge en milieu spécialisé.
· Le bilan initial endoscopique permet de faire l'inventaire des lésions digestives et respiratoires qui conditionnent le pronostic et commandent la stratégie thérapeutique.
· Il ne faut surtout pas faire vomir ou faire ingérer quoi que ce soit aux patients avant leur hospitalisation en milieu spécialisé. Ceci n'aurait pour conséquence que d'aggraver les lésions.
· Devant des lésions nécrotiques étendues, une chirurgie d'exérèse en urgence s'impose.
· L'existence de lésions trachéobronchiques graves par contiguïté, ou par inhalation de caustiques, représente un des facteurs importants de la mortalité de ces patients. Elles imposent un abord chirurgical direct par thoracotomie pour l'exérèse de l'oesophage et pour le traitement des brûlures trachéobronchiques.
· La mise en place d'une jéjunostomie au stade initial de l'évolution est indispensable en cas d'oesophagectomie ou en cas de lésions profondes ou étendues interdisant toute alimentation au cours des premiers mois.
· L'intervention d'exérèse en urgence se caractérise par l'association d'une intubation difficile du fait des brûlures oropharyngées et d'un estomac plein.
L'intubation trachéale sous fibroscopie est une technique appropriée.
· Le traitement des séquelles est long et délicat. Il fait appel, après plusieurs mois, aux dilatations oesophagiennes et/ou aux reconstructions par oesophagoplasties coliques ou gastriques éventuellement associées à une pharyngoplastie.
· Le pronostic ultérieur est souvent grevé par des pneumopathies d'inhalation itératives dues à une incompétence pharyngolaryngée.
· Le terrain psychiatrique et la collaboration du patient vont conditionner les possibilités de reconstruction chirurgicale ultérieures.
L'ingestion de caustique réalise une urgence diagnostique et thérapeutique, qui relève d'une prise en charge médicochirurgicale en unité spécialisée disposant à tout moment d'endoscopie digestive et bronchique.
L'analyse de cette pathologie, ainsi que l'attitude thérapeutique proposée, découlent de l'expérience du service de chirurgie viscérale et thoracique de l'hôpital Saint-Louis qui s'appuie sur une série de plus de mille patients.


Épidémiologie

Aux États-Unis, les centres antipoisons recensent environ 26 000 ingestions de produits caustiques par an, dont 17 000 enfants [1] .

Patients
Chez l'adulte, l'ingestion de caustique est le plus souvent le fait de patients suicidaires ou atteints d'affections psychiatriques graves qui représentent 87 % des patients de l'hôpital Saint-Louis [2] . Les ingestions accidentelles sont souvent plus bénignes, parfois favorisées par l'intoxication éthylique aiguë [3] .
Produits en cause
On définit comme caustique toute substance susceptible du fait de son pH ou de son pouvoir oxydant d'induire des lésions tissulaires [4] [5] [6] .
Les oxydants sont les plus fréquemment en cause (38 %) : il s'agit d'eau de Javel surtout, de permanganate de potassium, ou d'eau oxygénée. Les bases fortes viennent ensuite (34 %) avec essentiellement la soude caustique, notamment additionnées d'un agent tensioactif (Destop®, Decapfour®). Les acides forts sont moins fréquents (17 %) : acide sulfurique, acide nitrique, acide chlorhydrique. Les produits divers (11 %) viennent ensuite (white spirit, rubigine, formol...)
La gravité et la localisation des lésions dépendent de plusieurs facteurs [7] .
Le pouvoir corrosif de la substance représenté par son pH ou son pouvoir oxydant, et par sa concentration. Les acides provoquent une nécrose de coagulation de la paroi digestive tendant à limiter la pénétration vers les plans profonds. Par ailleurs, la stase acide gastrique provoque un spasme pylorique qui protège le duodénum, mais favorise la prédominance des lésions antrales [8] [9] [10] . Les bases entraînent une nécrose de liquéfaction avec saponification des lipides et des protéines de la paroi, permettant une pénétration pariétale lente et en profondeur. Les oxydants possèdent un pouvoir caustique réel lorsqu'ils sont sous forme concentrée et peuvent entraîner des lésions graves, souvent retardées, en particulier à l'étage gastrique [1] [11] .
La quantité ingérée : une ingestion de 150 mL (un verre) d'un acide ou d'une base forte est considérée comme massive [3] .
La viscosité du produit conditionne la durée de contact avec la muqueuse. Les agents tensioactifs augmentent cette durée.
Prise en charge initiale du patient
Avant l'hospitalisation

Certains gestes sont à proscrire afin de ne pas aggraver les lésions déjà constituées. Les antidotes n'existent pas. Il faut éviter d'administrer per-os des produits pouvant favoriser les fausses routes et perturber la réalisation de l'endoscopie digestive. Faire vomir, expose à l'aggravation des lésions (second passage) et à l'inhalation bronchique. De même, la mise en place d'une sonde gastrique expose à un risque similaire. En revanche, il semble nécessaire de :
- médicaliser la prise en charge et le transport du patient (Smur) ;
- recueillir des renseignements sur le caustique ingéré (concentration, nature, volume, heure d'ingestion) ;
- rechercher des stigmates de poly-intoxication (médicamenteuse ou alcoolique) et la cause de l'ingestion (accidentelle, suicidaire et ses raisons) ;
- oxygéner le patient en évitant si possible, sauf en cas de détresse vitale, une intubation trachéale. (Il s'agit d'intubations souvent difficiles, qui gênent l'évaluation ultérieure des lésions trachéales et qui exposent au risque d'essaimage des produits caustiques dans les voies aériennes) ;
- diriger le patient vers une structure spécialisée où une prise en charge multidisciplinaire est possible en permanence (anesthésie-réanimation, chirurgie, et endoscopie digestive et bronchique).

Évaluation des lésions digestives
En dehors d'une détresse vitale, l'urgence est à l'endoscopie digestive. L'examen clinique recherche des signes de perforation oesophagienne (emphysème sous-cutané, douleur thoracique à irradiation dorsale) ou gastrique (contracture abdominale).
Les examens radiologiques se résument au cliché du thorax à la recherche de signes de perforation (pneumomédiastin, pneumothorax) ainsi qu'à l'abdomen sans préparation avec cliché centré sur les coupoles diaphragmatiques (pneumopéritoine). Les explorations radiologiques avec opacification digestive sont proscrites à ce stade [2] [9] [10] [12] car les informations obtenues sont inférieures à celles de l'endoscopie et le risque d'inhalation bronchique n'est pas nul.
L'endoscopie digestive doit être réalisée en urgence en dehors d'une perforation évidente, car il n'existe pas de parallélisme entre les lésions buccales et digestives [2] [9] [10] [13] [14] . Elle possède un intérêt diagnostique, thérapeutique, et évolutif, permettant une classification des lésions en 4 stades.
Stade 0 : examen normal ;
Stade 1 : érythème muqueux ;
Stade 2 : ulcérations
muqueuses ;
Stade 3 : nécroses locales ou étendues.
Cette classification peut être difficile à obtenir lors du premier examen (surtout en cas de brûlure sévère), celui-ci sera répété au moindre doute en l'absence de critères de gravité au bout de quelques heures.
Cet examen est indispensable au choix d'une stratégie thérapeutique immédiate. Il est néanmoins grevé d'une certaine morbidité (inhalation, perforation), justifiant encore la nécessité d'une prise en charge en milieu spécialisé permettant le traitement chirurgical immédiat de ces complications précoces. Le risque de perforation digestive induite par l'endoscopie semble minime (1 cas sur 935 dans l'expérience de l'hôpital Saint-Louis).

Évaluation des lésions respiratoires
L'examen clinique recherche une détresse respiratoire :
- par obstruction de la filière respiratoire : elle est due à un oedème glottique ou sus-glottique par brûlure et régresse souvent sous traitement symptomatique ; l'examen ORL précoce permet de faire le bilan lésionnel et de suivre l'évolution des lésions ;
- par atteinte parenchymateuse secondaire à une pneumopathie d'inhalation ou à l'ingestion de caustiques volatils ;
- par acidose métabolique franche, apparaissant au décours d'une intoxication massive par un acide fort concentré et responsable d'une polypnée compensatrice [6] .
La radiographie de thorax de face et la mesure des gaz du sang artériel complètent cet examen.
L'endoscopie trachéobronchique est indiquée dès qu'il existe des lésions digestives de stade 2 tant le pronostic vital à court terme est conditionné par la nécrose de l'arbre aérien [3] [4] [15] . L'endoscopie bronchique permet également d'effectuer des prélèvements bactériologiques en cas de suspicion d'inhalation et de lever une atélectasie. Éventuellement, cet examen permet de positionner la sonde d'intubation en zone de muqueuse saine.
L'endoscopie permet schématiquement de classer les brûlures trachéobronchiques en 4 stades [16] .
Stade I : destruction superficielle de la muqueuse ;
Stade II : destruction profonde de la muqueuse ;
Stades III et IV :destruction des couches sous muqueuses plus ou moins étendues.
De plus, la topographie des lésions permet une approche du mécanisme de l'atteinte trachéobronchique [17] :
- mécanisme indirect par diffusion à partir de l'oesophage, lorsque les lésions siègent dans la partie gauche du mur postérieur de la trachée, de la carène, ou les deux premiers centimètres de la bronche souche gauche ;
- direct par inhalation devant des lésions diffuses de la muqueuse trachéale ou prédominant à droite.
Cette évaluation des lésions respiratoires est également indispensable au choix d'une stratégie chirurgicale puisque l'existence des lésions trachéales contre-indique la chirurgie d'exérèse oesophagienne par stripping qui exposerait aux risques de perforation trachéobronchique.
Critères de gravité
Des éléments de gravité peuvent être relevés dès le bilan initial [3] [4] [6] , bien que ceux-ci n'aient pas été formellement validés par une étude contrôlée. Ils comprennent : une ingestion massive (> 150 mL) d'un acide ou d'une base fort, des signes de péritonite et de perforation d'un organe creux, un état de choc, une hypoxie, une acidose et des troubles psychiques (confusion, agitation).
Les critères endoscopiques de gravité restent bien entendu les critères majeurs.
Place de la chirurgie en urgence

Indications

Les patients ayant des signes patents de perforations digestives doivent évidement être opérés en urgence [4] [7] [18] [19] . L'existence d'un des signes de gravité est un argument précieux en faveur d'une exérèse en urgence lors de la découverte de lésions endoscopiques de stade 2-3 disposées en mosaïque. La découverte d'un stade 3 diffus impose la chirurgie en urgence, afin d'éviter la diffusion médiastinale ou péritonéale du produit. L'indication chirurgicale en urgence peut aussi découler de la localisation des lésions et de l'éventuelle atteinte bronchique.

L'attitude vis-à-vis d'une brûlure stade 3 de l'estomac semble assez claire. La plupart des auteurs considèrent qu'il faut réaliser une gastrectomie totale, sachant que la perforation gastrique est le facteur létal dans les premières heures [4] .
Devant un oesophage présentant des lésions de stade 2-3 ou 3, l'oesophagectomie par stripping semble justifiée si l'arbre trachéobronchique est indemne de toute brûlure. La principale cause de mortalité de ces brûlures sévères de l'oesophage semble être la diffusion transmurale du caustique vers l'arbre trachéobronchique : 50 % des décès après stripping sont dus à la survenue d'une nécrose trachéobronchique secondaire chez des patients pris en charge tardivement (> 12 heures) [4] [17] [19] .
En cas de brûlure trachéobronchique par diffusion de caustique, on réalise une oesophagectomie par thoracotomie droite. Le traitement des brûlures trachéobronchiques consiste en une interposition d'une languette pulmonaire ou d'un lambeau musculaire [17] [19] .
Lors de la laparotomie exploratrice précédant la chirurgie d'exérèse, le bilan des lésions peut découvrir des brûlures associées qu'il faudra traiter : pancréatique (duodéno-pancréatectomie-céphalique), duodénale ou splénique (splénectomie)... Parfois, aucune chirurgie curative est envisageable : dans notre expérience cette éventualité représente 2,4 % de toutes les brûlures caustiques [7] .

Techniques chirurgicales

Stripping de l'oesophage

Le patient est installé en décubitus dorsal, un billot sous les épaules, la tête en hyperextension tournée vers la droite. L'abdomen est exploré par une incision bi-sous-costale. L'oesophage cervical est abordé par une incision pré-sternocléïdo-mastoïdienne gauche. La nécrose pan-pariétale est confirmée par l'aspect noir de la musculeuse après dissection de l'oesophage cervical et abdominal. L'oesophage cervical est sectionné le plus bas possible. Une sonde en silicone est introduite dans la lumière oesophagienne et poussée jusqu'au pylore. La sonde est fixée à l'oesophage et un drain est solidarisé à l'ensemble.
Après dissection au doigt au niveau cervical et hiatal, une traction douce sur la sonde provoque l'invagination de l'oesophage et son stripping. Le drain médiastinal est extériorisé dans l'hypocondre gauche. La gastrectomie est alors réalisée. L'intervention se termine par une oesophagostomie cervicale et une jéjunostomie d'alimentation [4] [19] .

Plasties trachéobronchiques
L'intervention débute par une laparotomie exploratrice s'assurant de l'absence de contre-indication abdominale à cette chirurgie (péritonite diffuse caustique grave par exemple). Le patient est alors installé en position de thoracotomie postérolatérale droite. L'oesophagectomie est réalisée avec dissection minutieuse du plan trachéobronchique, afin d'éviter la perforation de la membraneuse nécrosée. La plastie pulmonaire utilise le segment dorsal du lobe supérieur droit ou le lobe de Nelson [17] . Le parenchyme pulmonaire est suturé aux anneaux trachéaux et à la membraneuse saine, de telle façon que le parenchyme recouvre parfaitement la lésion sans fuite aérienne. Le poumon vient combler le médiastin et obstruer la perforation ou la zone trachéale suspecte. En cas de membraneuse perforée, l'intervention peut être réalisée sous jet-ventilation. La thoracotomie est fermée sur plusieurs drains thoraciques et médiastinaux. La suite de l'intervention abdominale et cervicale ne présente pas de particularité par rapport au stripping [4] [17] .


Particularités anesthésiques
L'abord trachéal est le principal problème puisqu'il s'agit d'une intubation difficile avec un estomac plein. L'intubation oro ou à défaut nasotrachéale sous fibroscopie est la meilleure technique. Elle peut être réalisée en fin d'endoscopie bronchique. Elle permet le positionnement de la sonde en zone saine.
En cas d'hypovolémie, le choix du site de ponction d'une voie veineuse centrale doit tenir compte des contingences chirurgicales : les voies jugulaire interne gauche et sous-clavière gauche sont proscrites.
La surveillance per-opératoire ne nécessite pas de monitorage particulier ; le saignement per-opératoire étant habituellement modeste du fait de l'exclusion vasculaire spontanée des lésions par nécrose [4] .
L'extubation de ces patients doit être réalisée au moment opportun. Trop précoce, elle peut nécessiter une réintubation difficile et traumatique, surtout en cas d'oedème périglottique. Trop tardive, elle peut aggraver les lésions trachéales. Un test clinique ( cuff-leak test) permet d'évaluer le moment idéal : le patient doit pouvoir ventiler autour de sa sonde, ballonnet dégonflé et extrémité proximale de la sonde obstruée, ce qui permet d'affirmer la perméabilité de la filière aérienne supérieure.

Complications postopératoires

Complications respiratoires

Il s'agit le plus souvent d'atélectasies itératives ou de pneumopathies infectieuses nécessitant une fibro-aspiration et une antibiothérapie adaptées.
Les épanchements pleuraux sont également fréquents. Ils peuvent être aériens en postopératoire immédiat et résulter de l'effraction de la plèvre médiastinale lors du stripping. Les épanchements liquidiens sont le plus souvent gauches et réactionnels à l'inflammation médiastinale. Ils peuvent nécessiter un drainage du fait de leur abondance ou de leur mauvaise tolérance. Toutes ces complications sont susceptibles de retarder le sevrage de la ventilation artificielle.

Complications infectieuses

Un tableau clinique caractéristique d'un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SIRS) et fréquemment observé au décours de la chirurgie d'exérèse. Si ce tableau peut parfois être rattaché à une étiologie infectieuse notamment pulmonaire, le plus souvent l'ensemble des prélèvements bactériologique ne permet pas de documenter un foyer septique localisé. Les examens radiologiques standards ou tomodensitométriques sont également peut contributifs dans l'enquête étiologique.
Par défaut, l'étiquette de médiastinite inflammatoire réactionnelle à un lésion par agent chimique est attribuée à ce tableau qui évolue habituellement vers une résolution progressive. Malgré un enthousiasme initial il ne semble pas que les techniques d'irrigation-lavage médiastinal confirment leur efficacité dans la résolution de ce syndrome.

Surveillance des patients ne nécessitant pas une chirurgie en urgence

Stade 0 ou 1
Il s'agit de la situation la plus fréquente (62 % des patients dans notre expérience). Le patient est hospitalisé en service de chirurgie. La reprise de l'alimentation est autorisée dès la disparition de la symptomatologie douloureuse. La sortie de l'hôpital a lieu après une consultation psychiatrique. Ces patients n'auront aucune séquelle digestive à moyen ou à long terme [4] .

Stade 2 ou 3 localisé sans critère de gravité
Ces patients représentent 11,4 % de nos patients. Le risque de survenue de complications sévères, parfois retardées, et les problèmes nutritionnels de ces patients imposent leur surveillance en milieu chirurgical pour une période de trois semaines.
Problèmes respiratoires
La diminution de la compétence laryngée secondaire aux brûlures pharyngées et l'altération fréquente de la vigilance de ces patients soumis à des traitements psychotropes importants exposent au risque d'inhalation de salive. Celle-ci entraîne un encombrement bronchique souvent rebelle à la kinésithérapie respiratoire et au maximum à des pneumopathies d'inhalation. Il est alors nécessaire de pratiquer des fibroscopies bronchiques pour broncho-aspiration et prélèvement bactériologique et d'instaurer un traitement antibiotique.
Par ailleurs, l'évolution vers la sténose des brûlures pharyngées [20] peut provoquer une dyspnée progressivement croissante. La majoration de cette symptomatologie peut nécessiter le recours à la trachéotomie.

Problèmes nutritionnels
L'arrêt de toute alimentation orale est nécessaire à la cicatrisation des lésions. Celui-ci sera maintenu au minimum jusqu'à la fibroscopie digestive de contrôle (vingtième jour).
Il est nécessaire pendant cette période de reconstruction et d'hypercatabolisme de fournir un apport standard adapté au poids (30 à 40 cal · kg-1 · j-1 avec 0,2 à 0,35 g d'azote · kg-1 · j-1).
Le choix de la voie d'administration est une affaire d'école. En pratique, pour des lésions de stade 2 localisées non circonférentielles, dont la probabilité de séquelles graves est faible et qui ne justifient pas une jéjunostomie, une nutrition parentérale totale jusqu'au contrôle du vingtième jour peut être proposée. En revanche, pour des lésions de stade 2 circonférentielles ou de stade 3 en mosaïque la perméabilité du tractus digestif à court terme est compromise et la confection d'une jéjunostomie permet de recourir à la nutrition entérale dans l'attente d'une probable oesophagoplastie.

Traitements associés
- les antalgiques sont indispensables à la phase aiguë de l'ingestion le plus souvent par voie parentérale continue ;
- les traitements psychotropes doivent être adaptés après avis du psychiatre ;
- une antibiothérapie active sur les germes de la flore oropharyngée peut être prescrite du fait du risque de surinfection des lésions, bien qu'aucune étude n'ait évalué l'efficacité de cette attitude [10] ;
- les anti-H2 et les autres anti-sécrétoires gastriques n'ont pas fait la preuve de leurs efficacité [21] .
Au terme des trois semaines de surveillance, une nouvelle endoscopie statue sur la stratégie à suivre : reprise de l'alimentation, dilatation ou chirurgie réparatrice.

Prise en charge des séquelles

À distance de la chirurgie d'urgence, les patients doivent bénéficier d'un rétablissement de la continuité digestive. De même, certains patients non opérés en urgence évoluent vers une sténose constituée de l'oesophage ou de l'estomac, ou présentent des lésions séquellaires laryngopharyngées.
La prise en charge de ce type de patient sera réalisée après une évaluation qui nécessite un examen clinique (poids, alimentation, régurgitation...), un bilan endoscopique digestif, un bilan lésionnel ORL, et éventuellement un transit pharyngo-oeso-gastrique [12] . Cette évaluation sera effectuée au mieux au troisième mois.

Traitements préventifs
La prévention des séquelles et des lésions cicatricielles est décevante. L'efficacité des corticoïdes n'a pas été démontrée. De plus, ceux-ci peuvent masquer et aggraver des complications septiques et perforatives [4] [10] [21] [22] . La d-pénicillamine, la N-acétyl-cystéine ont été expérimentées chez l'animal pour la prévention des sténoses, mais n'ont jamais été validées chez l'homme [21] [23] . La mise en place d'une sonde oesophagienne limitant les sténoses expose aux perforations et à l'aggravation des lésions par reflux [2] .

Traitement médical : les dilatations oesophagiennes
Les dilatations sont réservées aux sténoses très localisées de l'oesophage. Elles ne doivent jamais être réalisées avant la troisième semaine [21] . Le recours aux dilatations endoscopiques a été nécessaire chez 18 % des patients avec un stade 2 ou 3 localisé non opéré [4] .
Les dilatations des sténoses sont réalisées sous anesthésie générale et sous contrôle oesophagoscopique par des bougies en gomme à bout ovalaire. Le rythme des séances est fonction de l'importance de la sténose. Initialement rapprochées (2 à 3 séances par semaine), les dilatations seront poursuivies pendant 6 à 12 mois, ou à raison de 1 à 2 séances par an pendant plusieurs années.
Les sténoses cicatricielles exposent au risque de perforation et au risque de cancérisation de l'oesophage restant. Celle-ci représente 1 à 4 % des cancers avec un temps de latence d'environ quarante ans et serait de meilleur pronostic du fait de la découverte plus précoce (surveillance à vie) [24] .
Chirurgie des séquelles
Dans notre expérience, 105 patients (11 %) ont nécessité un traitement chirurgical pour des séquelles.
Oesophagoplastie
Il s'agit d'une intervention consistant à remplacer l'oesophage, de façon à rétablir la continuité digestive en cas d'exérèse préalable ou de sténose non accessible à la dilatation endoscopique.
Les techniques chirurgicales sont variées. Parmi celles-ci, il peut s'agir d'une interposition rétrosternale de l'estomac après tubulisation, d'un greffon iléocolique droit ou colique gauche [20] [25] . La voie d'abord est sous-costale gauche pour une plastie gastrique, débridée en sous-costale droite, descendant vers la fosse iliaque droite, en cas de plastie iléocolique droite ou transverse.
La tunnellisation rétrosternale est réalisée tout d'abord, à la main, au contact du sternum, jusqu'à dépasser le défilé cervicothoracique et rejoindre ainsi une cervicotomie gauche le long du bord antérieur du sterno-cléido-mastoïdien. On mesure de cette façon la longueur de transplant nécessaire à partir de l'entrée dans le décollement. Un tube est introduit de bas en haut dans le médiastin antérieur. On peut ainsi aisément monter la plastie protégée par une gaine souple en tirant sur l'extrémité cervicale du tube après les avoir solidarisés.
La plastie iléocolique droite isopéristaltique pédiculisée sur l'artère colique supérieure droite semble être la plus utilisée [25] . Le côlon droit est mobilisé en décollant simplement le fascia de Toldt droit de dehors en dedans. Une épreuve de clampage du pédicule iléo-cæco-colo-appendiculaire et de l'arcade vasculaire en amont du grêle que l'on veut mobiliser est réalisée, afin de vérifier la bonne vascularisation du greffon par l'artère colique supérieure droite. On obtient après section, un transplant de grande longueur emportant 10 à 15 cm d'intestin grêle terminal avec sa valvule de Bauhin. Le greffon est monté au cou et l'anastomose cervicale est faite sur l'iléon qui seul dépasse le défilé cervicothoracique. L'extrémité inférieure du côlon droit est anastomosée sur la face antérieure de l'antre, ou sur le deuxième duodénum si une gastrectomie a déjà été réalisée. La continuité colique est réalisée par anastomose iléo-transverse avec fermeture de la brèche mésentérique.

Chirurgie des sténoses pharyngées et des séquelles ORL
Elle doit s'intégrer dans le traitement global de ces patients conjointement avec les chirurgiens ORL et digestifs.
Il s'agit d'interventions longues, dont les indications ne sont pas consensuelles, nécessitant souvent la pose d'une trachéotomie provisoire. Les techniques d'anastomose cervicale varient en fonction de la gravité de l'atteinte pharyngée [20] . Si un sinus piriforme persiste, la résection de l'aile du cartilage thyroïde permet une pharyngotomie large et l'anastomose de l'iléon sur le sinus piriforme. Si l'oropharynx est totalement sténosé, une pharyngoplastie à l'aide d'un lambeau musculocutané sur laquelle vient s'anastomoser la plastie iléo-colique est réalisée : il s'agit d'une oesopharyngoplastie, qui ne peut être réalisée qu'au minimum quatre mois après l'ingestion [15] .
Les complications infectieuses pulmonaires émaillent les suites opératoires, du fait des fausses routes fréquentes, et grèvent le pronostic vital. La collaboration du patient est décisive quant au résultat fonctionnel. L'évaluation du terrain psychiatrique conditionne de ce fait les possibilités et les résultats du traitement chirurgical.

Complications
Complications respiratoires
Elles sont fréquentes, majorées par l'abord thoracique : atélectasie, pneumothorax, épanchements pleuraux récidivants. Elles émaillent les suites de 36 % des plasties oesophagiennes et 45 % des plasties oesopharyngées [4] .


Complications concernant la plastie
Il peut s'agir :
- d'une dilatation aiguë de la plastie, pouvant provoquer une gêne respiratoire ; elle est prévenue par la mise en place per-opératoire d'une sonde d'aspiration (l'aspiration étant réglée à - 10 cmH2O) jusqu'à la reprise du transit ;
- d'une nécrose du greffon qui est exceptionnelle ; elle se révèle précocement en postopératoire par un syndrome septique grave ; le diagnostic est confirmé par la reprise de la cervicotomie qui dévoile la plastie nécrosée ; il est alors nécessaire de procéder à l'ablation de la plastie et de mettre en route une antibiothérapie curative probabiliste active sur les germes à Gram négatif et les anaérobies ; elle sera adaptée aux résultats des prélèvements et poursuivie jusqu'à la stérilisation du médiastin ;
- de fistules anastomotiques cervicales qui sont fréquentes : elles représentent 22 % des plasties oesophagiennes et 13 % des plasties oesopharyngées [4] [26] et surviennent habituellement au sixième jour postopératoire ; elles ne nécessitent que des soins locaux ; leur principale complication est la sténose anastomotique pouvant être symptomatique et nécessiter des dilatations itératives endoscopiques (environ 60 % des fistules) [4] .
Facteurs favorisants
Ces deux dernières complications sont directement liées à la vascularisation du greffon : certains facteurs anatomiques tels que la compression par le manubrium sternal et la clavicule gauche ont été incriminés dans ces complications [9] , posant même le problème d'une résection systématique. Cette étude évaluant l'artériographie mésentérique en dépistage n'a cependant pas trouvé de corrélation clinico-radiologique [27] .
L'étude du débit mésentérique alimentant les plasties iléocoliques rétrosternales par la méthode des microcapteurs doppler implantables a permis de confirmer le rôle de facteurs ischémiques précoces dans la survenue de complications ultérieures de cette chirurgie. En effet, la constatation en postopératoire immédiat d'indices de résistances vasculaires d'aval élevés (flux rétrograde télésystolique ou diastolique) est associée à une nécrose très précoce du greffon à une occasion et à la survenue de sténose ou de fistules anastomotiques tardives (2 cas), alors que l'absence de ces indices est associée à une évolution favorable clinique et angiographique [27] [28] [29] . De même, l'application d'une ventilation mécanique en pression positive permanente s'accompagne d'une diminution de la perfusion du greffon par augmentation des résistances d'aval, secondaires à la compression du greffon [30] .

En conclusion, le développement de la prise en charge médicale et chirurgicale de ces intoxications a permis une diminution de la mortalité et une amélioration du pronostic fonctionnel. Certains points du traitement restent encore à évaluer méthodiquement, tout en gardant à l'esprit la lourdeur et la longueur de la prise en charge. L'importance de la prise en charge psychiatrique au décours de l'ingestion doit être soulignée.











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Post by nour elhouda Wed 26 Sep - 23:37

Excellent partage,merci Smile .
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Post by noor Thu 18 Oct - 0:35

merci pour les informations
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